Survie

Justice bâillonnée

(mis en ligne le 1er juin 2004) - François-Xavier Verschave

Nous avons déjà évoqué (n° 124 et 125) la scandaleuse exfiltration d’un présumé criminel contre l’humanité brazzavillois, le patron de la police congolaise Jean-François Ndenguet, avec la complicité
d’une haute magistrate requise en pleine
nuit. La Lettre du Continent du 20 mai
apporte quelques précisions édifiantes.

Elle confirme le chantage : Denis Sassou
Nguesso « menaçait de s’en prendre à
l’attaché militaire de l’ambassade de
France ainsi qu’aux intérêts de Total !
Juste au moment où la compagnie
pétrolière française venait de s’allier à
Maurel & Prom (Jean-François Hénin)
pour exploiter un nouveau champ onshore (Mboundi) jugé très
« prometteur ».
 »

Le dossier a été traité en direct « par
le tout nouveau ministre de l’intérieur
Dominique de Villepin, qui venait à peine
de quitter le Quai d’Orsay. À son
habitude, il l’avait géré à grands coups
de gueule. Tout le monde en avait pris
pour son grade, y compris Patrick
Hubert, le directeur de cabinet du
ministre de la Justice, Dominique Perben
qui avait été remplacé par Laurent Le
Mesle, auparavant conseiller à la justice
de l’Élysée.
 »

Disons plutôt le conseiller
à l’injustice, étant donné que sa
principale occupation était d’éviter que la
justice
ne
sévisse
contre
les
innombrables crimes et délits de la
Chiraquie et de la Françafrique,
intimement liées. Ou de faire libérer au
plus tôt les complices quand on n’a pu
éviter leur procès.

Villepin
et
Sassou,
cependant,
n’entendent pas en rester là. Ils veulent
« purger » définitivement l’affaire des 353
« disparus » du Beach (nettement plus
nombreux, en réalité, à avoir été abattus en 1999 au bord du Palais présidentiel).

D’un côté, Sassou organiserait « avant la
fin de l’année un "mbongui", genre de
réunion solennelle avec toutes les
composantes de la société civile "afin de
solder une fois pour toutes les méfaits de
la guerre civile et promouvoir une
véritable réconciliation".
 » En attendant,
il « a nommé le 23 avril dernier – en
remplacement de Patrice Nzouala
(décédé en novembre 2003), un
nouveau doyen des juges d’instruction –
Benjamin Stéphane Ngombé, qui devra
"nationaliser" ce procès et désigner
quelques coupables.
 »

« En contrepartie, il a demandé aux
"amis" à Paris de suspendre toutes les
poursuites judiciaires en France contre
ses barons concernés par "l’affaire".
Aussitôt dit, aussitôt fait. L’instruction
ouverte en 2001 par le tribunal de Meaux
a été suspendue début mai sur ordre du
procureur de la République, et le dossier
est actuellement en attente au tribunal
de Paris qui doit statuer sur cette
requête, ce qui peut durer de longs
mois… Le juge de Meaux Jean Gervillié
a par ailleurs été dessaisi du dossier et
affecté à la chambre d’instruction de
Bobigny (nord de Paris). Son successeur
tarde à être nommé…
 »

Il n’est pas sûr
que tout le monde accepte cette
surenchère dans l’ignominie entre les
justices française et congolaise.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 126 - Juin 2004
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