Survie

Colloque Françalgérie

(mis en ligne le 1er septembre 2004) - Antoine Lecanut

Le 28 juin dernier, à l’initiative du député Vert Noël Mamère et de François Gèze, PDG des Éditions La Découverte, s’est tenu à l’Assemblée nationale un colloque sur la « Françalgérie » avec le soutien des associations Algeria-Watch, Aircrige, Cedetim et Survie.

Outre les deux auteurs du livre Françalgérie : crimes et mensonges d’États (Éd. La Découverte, 2004), Lounis Aggoun [1] et Jean-Baptiste Rivoire [2], de nombreux intervenants se sont succédés pour débattre de ce tabou de la République française et proposer des solutions visant à éviter que de telles horreurs ne se reproduisent.

Il serait vain de vouloir résumer en quelques lignes quatre heures de conférences, de débats et d’échanges ainsi que les 700 pages du livre. Les deux auteurs, après avoir brièvement rappelé le contexte historique de l’Algérie depuis l’indépendance de 1962, ont décrit la situation que vivent les Algériens depuis l’interruption du processus démocratique en janvier 1992, suite aux élections législatives de 1991 qui avaient vu la victoire du FIS.

En douze ans, le bilan de la (re)prise en main du pouvoir par les militaires serait de 200 000 morts et 15 000 disparus. La complicité de la France est totale : les services français, notamment la DST, contrôlée de 1993 à 1995 par le ministre Pasqua et son suppôt Marchiani (actuellement en prison préventive pour d’autres faits), étaient au courant du rôle joué par la DRS [3] , les services algériens qui ont utilisé et instrumentalisé les groupes islamistes.

La DST était présente en 1993 devant l’immeuble des époux Thévenot lors de leur enlèvement à Alger. En 1994, le général Smaïl Lamari [4] informe la DST et le ministère de la Défense français que Djamel Zitouni, qui a pris la tête des GIA, est en fait leur homme.

L’économiste algérien Omar Benderra a décrit les mécanismes financiers de la corruption. Nicole Chevillard, journaliste à Risques internationaux, a expliqué les raisons de la collaboration entre les services secrets français et algériens.

Hocine Aït-Ahmed (président du FFS) est aussi longuement intervenu. Noël Mamère a regretté le peu de pouvoir d’initiative et de contrôle dont dispose le Parlement français et a parlé du thème de la « fracture coloniale ». Véronique Nahoum-Grappe, sociologue, représentant Aircrige, a montré l’absence de perception par les citoyens de la réalité de la politique étrangère française.

Mehdi Ba, éditeur de Patrick de Saint-Exupéry (L’inavouable, Les Arènes, 2004), a fait le rapprochement avec le dévoiement institutionnel lors du génocide rwandais. François-Xavier Verschave a insisté sur la confiscation de l’indépendance de l’Algérie par un groupe d’officiers, formés dans les écoles militaires françaises aux méthodes françaises de « contrôle des populations ».

Enfin Paul Moreira, journaliste à Canal Plus – co-initiateur de l’Appel pour créer un mécanisme de contre-pouvoir citoyen qui offre un accès plus libre à l’information –, a expliqué comment des formes de contre-pouvoir, notamment journalistiques, étaient indispensables pour se prémunir de telles dérives. Il a souligné la nécessité de garantir par la loi un accès aux informations dites « sensibles », à l’instar du Freedom of Information Act[(. Voir le site www.liberte-dinformer.info]] en vigueur aux USA.

[1Lounis Aggoun, journaliste indépendant, a été pendant de longues années un militant pour les droits de l’Homme en Algérie

[2Jean-Baptiste Rivoire, journaliste à « 90 minutes » (Canal Plus), est l’auteur de nombreux documentaires dont Benthala, autopsie d’un massacre (1999), Algérie : la grande manipulation (2000) et Attentats de Paris, enquête sur les commanditaires (2002)

[3Département du renseignement et de la sécurité. Nouvelle appellation de la Sécurité militaire (SM) depuis 1990.

[4Chef de la Direction du contre-espionnage(DCE)

a lire aussi