Survie

Et l’Union Africaine ?

(mis en ligne le 1er septembre 2004) - Félix Katz

Tout le monde s’accorde à le dire : le problème le plus urgent à traiter est celui de la sécurité au Darfour, et le gouvernement soudanais ne tient pas ses engagements en la matière. Dès le début du conflit, il a cherché à limiter la portée de la crise au Darfour. Après avoir tenté de la cantonner à une affaire intérieure soudanaise, il admet de la traiter au niveau africain, mais s’opposerait farouchement à toute implication militaire des instances internationales, c’est-à-dire des puissances occidentales.

Après les douloureux fiascos de la Somalie et du Rwanda, celles-ci sont réticentes à intervenir, d’autant plus que la hasardeuse campagne irakienne a rendu extrêmement sensibles leurs relations avec le monde arabo-musulman. Enfin, le veto de la Chine risque d’empêcher toute mission de Casques bleus. Dans ce contexte, le seul espoir pourrait venir de l’Union Africaine (UA).

L’UA, qui parraine déjà les négociations de paix entre Khartoum et le Sud-Soudan (IGAD), s’est saisie assez tôt, bien que partiellement, de la crise au Darfour. Les premières négociations entre rebelles et gouvernement soudanais, qui ont abouti fin avril à la signature d’un cessez-le-feu (régulièrement rompu depuis), ont été organisées au Tchad par Idriss Déby sous l’égide de l’Union Africaine.

C’est dans ce cadre qu’une centaine d’observateurs de l’UA, protégés par une force de 350 militaires africains, se sont déployés au Darfour pour vérifier l’application du cessez-le-feu. Le Rwanda, soucieux de prévenir un génocide en puissance, a fourni le gros des troupes.

C’est aussi l’occasion pour l’armée rwandaise de se montrer sous un jour plus favorable qu’à l’est du Congo-K. Le Nigeria, président en exercice de l’UA, assume son rôle de leader régional en complétant les effectifs. L’opération est soutenue logistiquement et financièrement par des nations occidentales, principalement dans l’Union Européenne.

Le secrétaire de l’UA, Alpha Konaré, s’est investi tant sur le plan diplomatique que militaire. Une première tentative de reprise des négociations a avorté à Addis-Abeba, en raison notamment de l’intransigeance des mouvements rebelles, politiquement inexpérimentés, à quoi s’ajoutent les efforts de déstabilisation de l’Érythrée qui soutient systématiquement les opposants au régime de Khartoum.

Mais les pourparlers ont repris récemment à Abuja, sur l’invitation du président nigérian Obasanjo. La France insiste pour que le Tchad, qui lui sert manifestement de pion sur ce dossier, conserve un rôle d’intermédiaire entre les parties en conflit ; cela semble néanmoins compromis, car Idriss Déby est récusé par les rebelles pour sa coupable collusion avec le régime de Khartoum, et commence à perdre la confiance du gouvernement soudanais.

Il existe une certaine confusion sur le mandat de la force de protection africaine envoyée au Darfour. Selon un porte-parole de l’armée rwandaise, il comporte le droit d’intervenir pour protéger des civils immédiatement menacés, ce que récuse le gouvernement soudanais.

Le souhait de M. Konaré serait d’augmenter de 350 à 2 000 hommes l’effectif des troupes sous mandat UA, avec comme mission d’assurer la sécurité des camps de personnes déplacées, dont le nombre est estimé à 1,3 millions. Compte-tenu du contexte international, l’intervention diplomatique et militaire de l’UA présente les meilleures chances de succès. Cela développerait en outre un précédent encourageant pour l’intégration régionale en Afrique et sa capacité à, sinon prévenir, du moins contenir les massacres sur son sol.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 128 - Septembre 2004
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