Survie

Mystérieux Jenjawids

(mis en ligne le 1er septembre 2004) - Félix Katz

Les “Jenjawids”, littéralement « cavaliers armés », sont accusés de commettre
des crimes contre l’humanité à grande échelle contre les civils zaghawas, masalits et fours. La stratégie du régime de Khartoum, mise au point lors du conflit au Sud-Soudan, a été appliquée au Darfour pour mater l’insurrection des rébellions SLA et JEM : après le bombardement par l’armée soudanaise de villages à dominante africaine, ces hordes de cavaliers incendient les cases, détruisent les récoltes, volent le bétail, empoisonnent les puits, en commettant systématiquement des exactions – exécutions sommaires et viols collectifs.

Ce sont ces mêmes Jenjawids qui surveillent les camps de réfugiés, harcèlent les humanitaires, montent des razzias jusqu’à 30 km à l’intérieur du Tchad, dans un climat d’impunité totale.

Ils représentent un phénomène répandu, au point que « Jenjawid » soit devenu une insulte à la mode parmi les étudiants à Khartoum.

Et pourtant, aucun chiffre ne circule quant à leur nombre global ; leurs ressources et leur organisation demeurent obscures. Les services de renseignement américains ont néanmoins identifié des responsables proches des cercles de
pouvoir à Khartoum, suffisamment riches pour que leurs avoirs à l’étranger puissent être gelés. De façon indépendante, Human Rights Watch (HRW) a pu mettre en évidence des connexions entre leaders jenjawids et personnalités du
régime. Des témoignages concordants indiquent qu’au lieu d’être désarmés, les
Jenjawids sont progressivement intégrés dans les « nouvelles » forces de police.

Devant une délégation étrangère sont exhibés des « criminels Jenjawids », à
qui l’on tranchera une main et un pied en application de la charia ; mais le nombre total des condamnations atteint 200 personnes, dont beaucoup de détenus ordinaires, recyclés pour l’occasion.

Le gouvernement annonce un retour progressif à la normale, tandis que les
humanitaires observent le calvaire des réfugiés se poursuivre dans un climat de
totale impunité, qui tente d’être masqué par des retours forcés.

Cela conduit à se demander si la distinction entre Jenjawids, prétendument
incontrôlables mais assurément criminels, et l’armée régulière en lutte contre les rebelles n’est pas une subtilité sémantique qu’utilise le gouvernement pour s’exonérer des crimes commis au Darfour. Si les Jenjawids reçoivent des
armes et obéissent aux éminences de Khartoum, s’ils peuvent à loisir endosser un uniforme de la police ou de l’armée, ne sont-ils pas en définitive des agents semi-autonomes du pouvoir central ?

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 128 - Septembre 2004
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