Survie

Togo : EDITO - Parrain Chirac et Baby Eyadéma 1

(mis en ligne le 1er mars 2005) - François-Xavier Verschave

La France avait autrefois béni le remplacement de l’ubuesque dictateur haïtien François Duvalier, alias Papa Doc, par son fils Jean-Claude Duvalier, marionnette d’un clan milicien cherchant à prolonger son pouvoir. Le « règne » de Baby Doc n’a fait qu’empirer la situation d’un pays torturé.

Le 5 février, sitôt annoncé le décès du tyran togolais Étienne Gnassingbé Eyadéma, son clan milicien a promu de manière expéditive à la présidence - avec l’aide du constitutionnaliste français Charles Debbasch -, l’un des fils du chef, Faure Gnassingbé. Un Baby Eyadéma.

La troupe a tiré le 12 février sur les manifestants de la liberté (au moins 5 morts). Durant deux semaines, le langage hyper-convenu de la diplomatie française cachait mal la stratégie élyséenne, vieille comme la Françafrique : celle du « fait accompli ». Il s’agissait de faire durer assez ce nouveau pouvoir pour lui permettre de faire, en position de force, de maigres propositions d’ouverture où s’englueraient une partie des opposants. Et ainsi d’aboutir à une prolongation indéfinie de la dictature qui fait depuis quatre décennies le cauchemar des Togolais.

L’acharnement avec lequel l’Élysée prolonge une Françafrique totalement archaïque va devenir de plus en plus coûteux pour tout le monde. La France doit comprendre que c’est le moment de tourner la page. Elle doit comprendre que « le sentiment anti-français » qui se répand en Afrique correspond à une prise de conscience, par les peuples du continent, de la réalité du rôle de la France dans l’oppression dont ils sont victimes ; elle doit comprendre que les peuples africains veulent et doivent s’en affranchir ; elle doit comprendre qu’elle n’a plus que le temps d’échapper, peut-être, à la réprobation générale.

L’Union africaine et l’Union européenne ont dénoncé le « coup d’État militaire » et exigé des élections libres au Togo. Leur fermeté a fait céder les putschistes le 18 février : un scrutin présidentiel devrait se tenir dans les 60 jours. Encore faut-il s’impliquer fortement dans l’organisation de ce scrutin, qui selon l’“État de droit” en vigueur au Togo est aujourd’hui entièrement entre les mains du clan Eyadéma : si des règles de base ne sont pas imposées aux putschistes, si l’équité du scrutin n’est pas précisément contrôlée, on légitimerait une fois de plus la régénération d’une dictature.

Jacques Chirac est très fortement tenté d’agir en ce sens : le 5 février, il a dit d’Eyadéma que c’était « un ami personnel », s’affichant ainsi sans vergogne, à l’instar de Charles Debbasch, comme un allié de la dictature. Dans notre République monarchique, hélas, c’est Jacques Chirac qui dirige seul les relations franco-africaines - officielles et parallèles. Plus il tardera à mettre un terme à son soutien inconditionnel aux dictatures françafricaines, plus il se composera aux yeux des Africains (et du monde) le masque d’un Leonid Brejnev perpétuant le « Rideau de fer », ou celui d’un démiurge de la Maison blanche perpétuant le fascisme en Amérique latine.

François-Xavier Verschave

1. Cet éditorial actualise le communiqué de Survie en date du 15/02/2005 : Combien de victimes au Togo avant que Jacques Chirac ne lâche Baby Eyadéma ?

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 134 - Mars 2005
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