Survie

Chirac au Togo : la politique du pire

(mis en ligne le 1er mai 2005) - François-Xavier Verschave

Il s’est passé au Togo depuis notre Édito d’avril exactement ce que nous redoutions. Jacques Chirac a joué à fond la carte d’une élection truquée de Faure Gnassingbé, fils de son « ami personnel », le tyran Gnassingbé Eyadéma : il a circonvenu l’arbitre principal, l’organisation régionale CEDEAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), et dépêché sur place une série de “conseillers” en tout genre. D’innombrables démarches et d’insistants coups de téléphone ont amené cette CEDEAO initialement courageuse (elle avait désavoué le coup d’État eyadémesque) à fermer complètement les yeux sur l’accaparement du processus électoral par la dictature en place, notamment l’énorme truandage qui a accompagné la révision des listes électorales et la distribution des cartes d’électeurs.

Dans le même temps, la répression multiforme de l’opposition se poursuivait, et le régime faisait sortir dans la rue ses milices armées de gourdins cloutés : celles-ci font immanquablement penser aux Interahamwe rwandais : espérons qu’elles ne leur sont pas identiques. L’opposition unifiée (si l’on exclut les partis créés par le pouvoir) n’a évidemment pas l’intention de se laisser voler sa victoire : une victoire certaine si le scrutin se déroulait un tant soit peu selon les règles universellement admises. Elle n’a cessé de demander à la CEDEAO et, plus généralement, à la communauté internationale, de faire respecter ces règles, et pour cela de reporter la date du scrutin pour mieux vérifier la composition du corps électoral, garantir le bon fonctionnement des bureaux de vote et le décompte des résultats.

Signe de la nécessité de ce report, le ministre de l’Intérieur du régime a convoqué la presse et les diplomates à 48 heures du scrutin pour signifier que sa tenue le 24 avril reviendrait à pousser à bout un « processus électoral suicidaire », induisant un affrontement aux dimensions et conséquences imprévisibles. Ce ministre impudent a été aussitôt démis.

Nous en sommes-là ce lundi matin 25 avril, où nous achevons ce numéro de Billets. Les avertissements n’auront pas manqué, ceux notamment de la « coalition Togo » (une dizaine d’ONG françaises et internationales, dont Survie) et du Comité de Soutien au Peuple Togolais, créé dans l’urgence à Paris (medias@soutientogo.org). Vous trouverez ci-dessous les dernières nouvelles du week-end, y compris celles que nous a transmises le délégué

que nous avons envoyé sur place (comme l’ont fait aussi d’autres organisations françaises et allemandes). En prolongeant l’insupportable soutien à l’une des plus grotesques dictatures africaines, Jacques Chirac soumet le peuple togolais à tous les risques. Il en est comptable devant l’histoire.

Le sont de même, de manière de plus en plus précise, tous les responsables français qui ont poursuivi en 1994 l’alliance de la France avec le noyau dur rwandais auteur du génocide. À cet égard, les révélations émises sur France Culture (voir p. 5), le 22 avril, par le sous-officier français Thierry Prungnaud sont édifiantes. Ceux qui misent sur l’éternité de l’impunité devraient se méfier.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 136 - Mai 2005
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