Survie

SALVES - Biens publics en enfer, fraude et argent sale aux paradis

(mis en ligne le 1er juin 2005)

Le Luxembourg présidera son dernier Conseil européen les 16 et 17 juin prochains avant de transmettre fin juin le relais au Royaume-Uni pour le second semestre 2005. Cette passation revêt une importance d’autant plus grande qu’elle met en lumière le phénomène de banalisation des paradis fiscaux et judiciaires (PFJ) dans l’espace européen. Certains, comme Monaco, Guernesey, Jersey ou les Îles Vierges, lui sont directement rattachés. Tous constituent des destinations de fonds privilégiées pour les consultants financiers exerçant dans les capitales européennes comme la City de Londres, ou les chambres de compensation basées à Bruxelles (Euroclear) et au Luxembourg (Clearstream, rachetée par la Bourse allemande, mise à l’index après la « révélation » en 2001 de son système d’opérations comptables parallèles  [1]).
À l’heure où de nombreux collectifs (nationaux et internationaux) de la société civile se coordonnent pour requérir auprès des gouvernements une augmentation significative du financement pour le développement  [2], on évalue le manque à gagner dû à l’évasion fiscale entre 300 et 500 milliards de dollars par an, de l’argent perdu dan les PFJ par l’ensemble des États de la planète, dont 50 milliards pour les seuls pays du Sud. Autant d’argent en moins pour garantir l’émergence et/ou la consolidation de biens publics à l’échelle mondiale...
Enfin, les affaires imbriquant les paradis fiscaux et les réseaux françafricains ne cessent de se multiplier ces derniers temps, avec la curiosité grandissante de juges et d’organes de contrôle indépendants. Dernière affaire en date : la condamnation du Crédit agricole à payer 1 million d’euros pour « défaut de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment » de la part de sa banque d’affaires Calyon. Relevant une série de mécanismes de sociétés en cascade et citant des noms d’agences et sociétés domiciliées à Jersey, Gibraltar ou Monaco, la Commission bancaire française a par ailleurs déploré le manque d’informations sur plus d’une centaine de clients russes et nigérians (parmi lesquels un ancien ministre du pétrole du régime Abacha destinataire de 38 millions de dollars), dont les virements « pourraient provenir de faits de corruption ». Les mauvaises langues y verront peut-être un lien avec les commissions occultes de 2,4 millions de dollars versées à l’ancien dictateur nigérian en 2001 et 2002 par Kellogg Brown & Root, filiale du groupe Halliburton, anciennement dirigé par le vice-président américain Dick Cheney...

Guillaume Olivier

[1Par Denis Robert, dans Révélation$ et La boîte noire, 2001 et 2002, Les Arènes.

[2Les besoins pour atteindre les Objectifs de développement du millénaire sont estimées à 100 milliards d’euros par an, soit le double de ce qui est actuellement alloué.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 137 - Juin 2005
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