Survie

Les Comores dans l’Océan Indien

(mis en ligne le 1er septembre 2005)

L’écho parvenu dans les grands médias du dernier sommet de la Commission de l’Océan Indien (COI) rapporte surtout la reconnaissance par Jacques Chirac du massacre de 1947 à Madagascar. Mais pour les Comoriens, il en restera avant tout la trahison, une de plus, du colonel-président putschiste Azali. Il s’est dit prêt à ratifier l’accord d’adhésion de la France à la COI, qui, à cause de ce blocage, n’a pas encore d’existence légale auprès de la Communauté internationale. Au centre, le contentieux sur Mayotte.

La presse réunionnaise [1] évoque des discussions sur la suppression des visas pour une libre circulation des personnes à l’intérieur de la COI. Rien de cela n’apparaît dans la déclaration finale [2], et l’on n’a pas été assourdi par la glose sur ce point. Pourtant, s’il s’agissait d’un projet sérieusement envisagé, la nouvelle serait de taille. Imaginons la France de Chirac qui laisserait, sans contrôle, entrer à la Réunion des Mauriciens, des Comoriens, etc. sans craindre qu’ils ne se faufilent dans un avion pour la métropole. Voilà qui n’est pas dans l’air du temps [3]].

Pour les Comores, ce projets prendrait une tonalité toute particulière, puisqu’il entraînerait la fin du visa Balladur-Pasqua, en vigueur depuis début 1995 et illégal en droit international, imposé, pour aller à Mayotte, aux Comoriens des trois autres îles. À condition que la COI existe légalement, y compris Mayotte...

Là, les choses se compliquent. L’occupation illégale de Mayotte par la France fait que les autorités comoriennes ne peuvent pas la représenter auprès de la COI. La France, qui siège à la COI au titre de la Réunion, voudrait y représenter Mayotte. Mais jusque-là, aussi francophiles et élyséo-dépendants qu’aient pu être les présidents Comoriens, ils ont toujours refusé d’abandonner de guerre lasse Mayotte à la France. Or, c’est ce que commence à faire Azali. Peut-être aura-t-il été dupé par le miroitement de la suppression de tout visa dans la COI, alors que le visa Balladur-Pasqua a causé des centaines de morts et des milliers de déplacés ? Car pour que cette suppression vaille pour Mayotte, il faut qu’elle soit représentée à la COI. Dans la tribu des dupés, il y a les imbéciles, ceux qui auront été abusés par une subtile machination, et ceux qui le veulent bien parce qu’ils ont été placés là pour ça. Si Azali veut donner définitivement Mayotte à la France, il faut qu’il se dépêche, car il n’a pas le droit de se présenter aux élections présidentielles de cet automne, en vertu de la présidence tournante entre îles imposée par la Constitution qu’il a lui-même orchestrée. À moins qu’après son putsch en 1999 (préparé par la DGSE et le réseau Denard), ses promesses non tenues de laisser le pouvoir à un civil en moins d’un an, son élection frauduleuse en 2002, il ne se permette une “révision” de sa Constitution (façon Charles Debbasch) et des “élections” à la togolaise. Il n’en est plus à ça près.

Pierre Caminade

[2Un examen des conditions visant « l’ouverture des frontières » n’y est mentionné que pour la circulation de la culture et des œuvres.

[3Le nouveau ministre de l’Outre-mer, François Baroin, s’inscrit plutôt dans la continuité en prônant, lors d’une visite à Mayotte, « une diplomatie sans faiblesse vis-à-vis de nos voisins comoriens » [Le Figaro, 21/07 et 23/07

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 139 - Septembre 2005
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