Survie

Congo Brazzaville : Les écuries de Brazzaville

(mis en ligne le 1er avril 2006) - Benjamin Moutsila

Depuis quelques temps, Brazzaville bruit des amours et désamours politiques de Bernard Kolelas avec Denis Sassou Nguesso et Michel Mampouya. Les journaux de la place en font leurs choux gras. l’Observateur [n° 347 du 16/03] et La Semaine Africaine [n° 2554 du 27/12/2005] en témoignent : oukases, invectives, excommunions, insultes, etc.
La « démocratie » congolaise est devenue « familiocratie » pour le contrôle des appareils politiques et des ressources financières de l’État. À l’image du dictateur Sassou Nguesso, Kolelas, « défenseur de la démocratie », a transformé son parti, le MCDDI, en appareil familial. Enfants, neveux, cousins, nièces, collatéraux, parents par alliance et alliés en constituent désormais l’épine dorsale. « Il n’est dès lors pas étonnant que les démissions des anciens caciques se succèdent et les langues se délient » écrit L’Observateur...

En réalité, qui examine le parcours de cet homme ne peut être surpris. Cet "opposant" de salon, n’a eu de cesse de contrôler la région du Pool (dont il est un natif) pour la transformer en fief et s’en servir comme un tremplin politique pour ses ambitions personnelles. Il n’y réussira qu’imparfaitement. Dès lors, il n’hésitera pas à prendre en otage les quartiers sud de Brazzaville, ainsi que les régions du sud [1], au motif que ses ressortissants seraient de la même origine ethnique que lui.

Ce soi disant "opposant", véritable clone de l’autre, a toujours navigué dans les milieux politico-maffieux. Dans le golfe de Guinée, on navigue inévitablement en Françafrique. Notre homme a donc très rapidement été repéré par celle-ci qui a commandité la société Elf Congo, l’incontournable, de l’appréhender via certains intermédiaires dont Michel Mampouya, ancien cacique de son parti, aujourd’hui sa bête noire. Précédemment délégué médical de Sanofi, ce dernier était le pourvoyeur financier du MCDDI, lui assurant, ainsi qu’à son chef, des moyens de subsistance et une logistique de parti riche.

Les intérêts convergents de la Françafrique seront à l’origine du rapprochement du parti de Kolelas et de celui du dictateur Sassou Nguesso, aboutissant à une alliance politique invraisemblable [l’URD-PCT Union des Républicains Démocrates - Parti Congolais du Travail] permettant ainsi à un Sassou Nguesso qui venait d’être démocratiquement chassé du pouvoir, de refaire surface. Les pétrodollars d’Elf Congo feront le reste. Ce rapprochement a eu comme homme à tout faire Michel Mampouya, qui a été le négociateur pour la création des milices Ninjas en 1993, mais qui aussi a négocié toute la logistique en 1997 pour casser Lissouba. Mais Kolelas, louvoyant, ralliera ce dernier, d’où la haine de Sassou vis-à-vis du Pool.

Le retour victorieux de Sassou à la suite de la guerre de 1997 et la fuite de Kolelas [qui s’est entre-temps allié au Président Pascal Lissouba] à l’étranger, signera la rupture de ce dernier avec son homme lige, Michel Mampouya qui continuera de servir les intérêts de la Françafrique, laquelle a puissamment aidée son poulain Sassou Nguesso à remporter la victoire militaire. Michel Mampouya fera une OPA sur le parti en l’absence de son leader et maintiendra les liens qu’il a tissés avec le PCT, le parti du dictateur congolais. Le procès Elf révèlera, à des congolais médusés, que Parfait Kolelas (aujourd’hui, chargé des finances du parti de son père), le fils de son père, avait perçu des fonds de cette société et donc, que son géniteur n’était pas moins corrompu que les autres [Le Canard Enchainé du 9/04/2003 et Le Parisien du 22/04/2003].
De retour à Brazzaville après 8 ans d’exil, notre homme n’a eu de cesse de donner des gages de fidélité au dictateur de Brazzaville, son “ennemi ami”. Première décision, la réorganisation de son parti avec la nomination des membres de sa famille à des postes stratégiques et l’exclusion parallèle de Michel Mampouya des instances dirigeantes. Dépité d’être exclu de la mangeoire, ce dernier s’épanche dans la presse, qui ne manquera pas de faire écho à cette véritable scène de ménage.

Pendant ce temps, les véritables problèmes de la population sont mis entre parenthèses. La situation tragique du pays en général et du Pool en particulier [2], avec la présence du faux rebelle Frédéric Bintsangou, alias pasteur Ntoumi. La paupérisation accélérée de la population, la captation des richesses nationales par la famille du dictateur président : la santé, les routes, l’emploi, l’électricité et l’eau potable sont devenues des denrées rares ou inexistantes. La violation massive des droits humains dont l’affaire des disparus du Beach (affaire non encore élucidée) n’est que la partie émergée. Les violences quotidiennes exercées sur la population par une armée et une police constituée d’anciens miliciens. De tout cela, personne ne parle à la grande satisfaction du dictateur Sassou Nguesso. Ces problèmes demeurent entiers, les politiciens ont été incapables d’y apporter des solutions durables. Or, c’est justement de ces problèmes dont il faudrait parler, et non des disputes quasi familiales des agents corrompus de la Françafrique, sous le regard et l’arbitrage des autres dont le kleptocrate Sassou Nguesso. C’est à ce prix qu’éclora une véritable démocratie au Congo.

Benjamin MOUTSILA, du FCD

[1Il sera très difficile, pour tout parti autre que le sien, d’exister dans ses fiefs.

[2Plusieurs ONG en ont dressé des rapports-diagnostics édifiants et alarmants : - Diocèse de Kinkala, Construire la paix (2000), Atlas Logistique, Rapport d’évaluation Région du Pool District de Mindouli (27/09 4/10/03), Les Caritas-Congo, Caritas-France et Catholic Relief Services, le Département du Pool en République du Congo Une population abandonnée (novembre 2004), Nations Unis, Le Pool, Une crise humanitaire négligée (2004).

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 146 - Avril 2006
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