Survie

Congo Kinshasa (RDC) : Eufor RD Congo

(mis en ligne le 1er juin 2006)

Le dernier rapport de la Mission des Nations en République Démocratique du Congo (MONUC) confirme, une fois de plus, les multiples exactions commises par les Forces armées de la RDC (FARDC) sur tout le territoire. Le rapport ne passe pas sous silence les nombreuses violences perpétrées par les milices armées, actives dans les provinces de l’est et au Katanga en particulier, mais l’armée congolaise y est pointée en tant que principale responsable des violations enregistrées. Comme nous l’avons déjà souligné, aucun budget permettant de créer les conditions susceptibles de rectifier cette situation n’a été ni préconisé ni sollicité. Ceci n’empêche pas l’Union Européenne d’avancer son projet (baptisé EUFOR RD Congo) d’envoie en RDC d’une force - aux objectifs encore mal définis - dont un premier contingent de 450 soldats (français) arriverait à Kinshasa 6 semaines avant la tenue de l’élection présidentielle prévue le 30 juillet. Selon la ministre française des Affaires européennes, Catherine Colonna, la France y contribuera à hauteur de 850 hommes (350 de plus que ce qui avait été envisagé auparavant), sur un total de 1500 soldats au lieu des 1250 prévus initialement. Il semble se confirmer que l’opération sera coordonnée à partir de Potsdam en Allemagne, le commandement opérationnel à Kinshasa assuré par la France, et le gros des troupes posté en attente au Gabon.
Or, le 17 mai, des responsables militaires africains et de l’UE se sont réunis à Brazzaville en une conférence, organisée à l’initiative de Paris 1, « pour aider les pays africains à assurer eux-mêmes la sécurité du continent. » À cette occasion le président congolais, Denis Sassou Nguesso, a déclaré (dans un discours lu en son absence) que l’Afrique reste « l’un des maillons faibles du progrès » et évoqué « l’incapacité [de l’Afrique] à fortifier durablement les fondations de la paix, de la sécurité et de la stabilité ». Dans la foulée de ces fortes paroles, le chef d’état major des armées françaises, le général Henri Bentégeat, a déclaré : « L’engagement européen au service de la paix et de la sécurité en Afrique devient dans le même temps une réalité, en République démocratique du Congo hier, et demain et bien sûr au Soudan. »

Sassou Nguesso est de ces dirigeants africains estampillés « maillon faible du progrès » que Paris affectionne au détriment du continent. Les capacités africaines entreront en scène lorsqu’elles se seront libérées des tyrannies sponsorisées qui leur interdisent l’accès aux libertés nécessaires pour bâtir une organisation économique et sociale de leur choix. Quant à Bentégeat, il a perdu une belle occasion de se taire. Si l’Europe (notamment la France, état européen membre du Conseil de Sécurité) avait fait quoique ce soit d’utile pour empêcher qu’il y ait en moyenne 100 000 morts au Darfour par an depuis trois ans, cela se saurait. Si l’Europe (notamment la France, engagée à hauteur prédominante dans EUFOR RD Congo) avait pris acte de la réalité congolaise, elle aurait privilégié les investissements indispensables pour assurer la sécurité des populations avant qu’elles ne se rendent aux urnes. Il est à parier qu’elles ne s’y rendront pas en toute tranquillité. Sauf peut-être dans la capitale, où les enjeux d’apaisement sont les plus importants aux yeux des sponsors ?

Sharon Courtoux

1. Dans le cadre du programme français Recamp (Renforcement des capacités africains de maintien de la paix).

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 148 - Juin 2006
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