Survie

Côte d’Ivoire : l’impunité enfin bannie ?

(mis en ligne le 1er juin 2006)

Pour la première fois depuis l’éclatement de la crise en septembre 2002, une autorité ivoirienne ose mettre en garde son propre camp contre les pratiques criminelles et attentatoires aux libertés fondamentales. Le fait est suffisamment rare (voire inédit !) pour être souligné : le porte-parole des forces nouvelles a tenu à ce sujet face aux siens des propos clairs et nets lors de sa conférence de presse tenue à Bouaké le 26 mai dernier : « Chacun répondra de ses actes, de ses dérives et des atteintes aux droits humains. Nous avons tous lu le dernier rapport de Human Right Watch International. Il est évident que les Forces nouvelles y sont épinglées. C’est dramatique... Cette crise va finir un jour mais des crimes ne pourront pas être effacés. Les rapports des droits de l’Homme ne vont pas s’effacer », a t-il assené en ouverture de sa conférence. Ces propos devraient faire date !

Il y a longtemps que les militants d’une paix juste et équitable en Côte d’Ivoire attendent ce type de paroles et cette prise de conscience de la part de tous les protagonistes de la crise, notamment des leaders des camps en conflit. Comme le dit l’adage, mieux vaut tard que jamais ! On ne peut que se réjouir que les ex-rebelles abordent enfin publiquement la question de leurs crimes économiques et de sang, et se déclarent prêts à assumer individuellement et collectivement leurs responsabilités. Mieux ! les responsables des ex-rebelles s’engagent à éduquer leurs troupes au respect des droits humains. C’est incontestablement un tournant dans l’évolution de ce pays vers la paix !

Certes, passer de la parole aux actes ne sera sans doute pas un exercice facile mais c’est déjà un bon début pour chacun des protagonistes de la crise de reconnaître et d’admettre ses propres actes dans la longue série des crimes restés jusque-là impunis.
À la suite des Forces nouvelles, nous attendons que le camp présidentiel ivoirien, la France et ses suppôts dans la sous-région (dont le régime burkinabé) disent publiquement leurs parts de responsabilités dans les crimes commis depuis septembre 2002 et s’engagent à mettre fin, chacun à son niveau, à la culture de l’impunité qui continue d’imprégner la vie politique du pays.

Afin que leurs propos ne restent pas lettre morte, les Forces nouvelles devraient examiner avec une grande rigueur et dans un souci de justice les nombreuses doléances des familles ayant fui Bouaké au début de la guerre et qui ont récemment rencontré le Ministre en charge des victimes de guerre pour exiger de retrouver leurs maisons et leurs biens confisqués par des combattants des Forces nouvelles.

En attendant cet élan collectif pour faire cesser les crimes en tous genres qui fragilisent le précaire processus de paix impulsé par le Premier ministre Konan Banny, saluons tout de même le courage politique de tous les leaders ivoiriens qui considèrent que la lutte contre l’impunité est à engager avec le même sérieux et la même détermination que celles menées pour conduire sereinement et dans la transparence les opérations relatives à l’identification, au désarmement, au redéploiement de l’administration sur l’ensemble du territoire ainsi que l’organisation d’un scrutin présidentiel aux résultats clairs et indiscutables. Le retour à la paix est à ce prix !

Sisulu Mandjou Sory

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 148 - Juin 2006
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