Survie

Centrafrique : La France, chien de garde du Général-Président Bozizé

(mis en ligne le 1er avril 2007) - Raphaël de Benito

Soutien aérien “quasi-permanent”, instructeurs militaires, commandos parachutistes et forces spéciales, l’armée française a engagé de très gros moyens dans le Nord-Est du pays, à la frontière de la province soudanaise du Darfour.

Dès le début du mois de mars, les agences de presse faisaient état des moyens considérables que la France mettait en œuvre afin de contrer l’offensive rebelle de l’UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement) autour de la localité de Birao. On peut d’ailleurs se demander si les militaires français ne font pas la guerre pour le compte d’une armée centrafricaine déliquescente.

D’autant plus déliquescente qu’à l’automne 2006, les renseignements militaires évaluaient les effectifs de l’UFDR à une centaine de rebelles, rejoints par une partie des hommes armés qui pullulent dans le nord du pays. Il faut donc croire que la menace rebelle a grossi incroyablement vite en quelques mois ou que les 18 instructeurs militaires français ont été sérieusement inquiétés.

Comme souvent, ce sont les civils qui ont trinqué. Si on ne connaît pas le nombre de victimes, le coordinateur humanitaire de l’ONU en RCA, a constaté que 70 % de la bourgade de Birao avait été incendié. Les écoles de la ville, ainsi que l’hôpital ont été détruites et pillés durant les combats. Les soudards de l’armée centrafricaine ont fini le “boulot” en incendiant les maisons dont ils suspectaient les occupants de complicité avec la rébellion. La situation est si dramatique que les Nations Unies annoncent la création de bureaux de coordination dans le Nord du pays pour assister les milliers de personnes dispersées et cachées dans la brousse.

Par ailleurs, l’Union Africaine (UA) a déploré les exactions commises en Centrafrique par les forces gouvernementales et dénoncé “l’impunité” dont elles jouissent dans un rapport interne de l’organisation.

Près de 14 000 personnes vivaient à Birao avant les récents affrontements. Les Nations Unies estiment maintenant qu’il n’y en a pas plus de 600. Le reste venant grossir le million de personnes déplacées, soit le quart de la population, affecté par une guerre civile larvée. À l’échelle du pays, les conflits armés récurrents depuis des décennies, l’instabilité politique et les régimes dictatoriaux ont dévasté la vie de 4,2 millions de personnes.

C’est sans doute cette “stabilité” qu’invoque le gouvernement français pour justifier son intervention militaire. Le cadre est clair : « La France est liée au Centrafrique par un “accord de défense”, conclu à l’indépendance, en 1960 », nous rabâche-t-on. Ces accords de défense entre la France et le Centrafrique prévoient une intervention militaire en cas d’agression extérieure. En l’espèce, il s’agit d’un mouvement rebelle centrafricain, auquel s’ajoutent sans doute des éléments tchadiens. Les liens entre les présidents centrafricain Bozizé et tchadien Déby, l’un et l’autre soutenus par Paris, sont connus. Il y a bien le contexte régional permettant à Jacques Chirac de souhaiter « éviter un débordement de la guerre au Darfour voisin ». Mais de quel « débordement » s’agit-il précisément ?

Une préoccupation chiraquienne qui n’empêche pas la poursuite, depuis plus de 4 ans, des pires crimes contre l’humanité, à quelques dizaines de kilomètres.

De là à penser que cet engagement militaire ne sert qu’à défendre un régime criminel et à sauvegarder des intérêts purement français, il n’y a qu’un tout petit pas. D’autant que François Bozizé n’a nullement la volonté politique de régler pacifiquement la crise en instaurant un dialogue. Protégé par les Mirages et les paras français, l’ancien chef rebelle s’obstine dans la logique de guerre en achetant des armes en Chine et en Afrique du Sud. Des cargaisons d’armes et munitions lui sont fournies en échange de diamant et d’uranium. Les réseaux français branchés sur la Françafrique s’enrichissent au passage. C’est l’ancien directeur du SCTIP (Service de coopération technique internationale de police), Jacques Delebois qui conseille Bozizé en matière de sécurité et de renseignement. On croise également à Bangui l’ancien chef de la milice lepéniste Bernard Courcelle.

Comme au Tchad voisin, la France protège militairement un régime peu reluisant mais Paris vient aussi d’accorder un crédit-relais de 66 millions de dollars à Bangui pour rembourser ses dettes à la Banque Mondiale. Un crédit perpétuant encore la dette publique puisqu’il permettra de débloquer 82 millions dollars de nouveaux concours.

C’est sûrement ce que Dominique de Villepin appelait « une preuve tangible que la France défend des valeurs démocratiques et non des régimes ».

Des valeurs démocratiques qu’elle pourrait commencer par appliquer chez elle. En instaurant, par exemple, l’obligation d’un débat et d’un contrôle parlementaire quand il s’agit de l’emploi de la force militaire.

En pleine campagne présidentielle, on comprend donc que l’Élysée ne souhaite pas que sa politique françafricaine s’invite dans l’arène électorale. Les Français pourraient découvrir que son armée couvre des violations massives des droits de l’Homme.

Raphaël De Benito

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 157 - Avril 2007
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