Survie

RDC : Kinshasa à feu et à sang

(mis en ligne le 1er avril 2007) - Sharon Courtoux

Le 22 mars, un affrontement à armes légères, automatiques et lourdes a éclaté entre des forces armées congolaises (FARDC) et les hommes de la garde rapprochée de l’ancien vice-président, Jean-Pierre Bemba, dans la capitale de la République Démocratique du Congo (RDC) Kinshasa.

Estimant que sa sécurité n’était pas garantie, Jean-Pierre Bemba a refusé de voir les soldats affectés à sa sécurité, à l’époque où il était vice-président du gouvernement de transition, intégrer l’armée régulière. Sa garde personnelle, composée de plusieurs centaines d’hommes stationnés dans ses résidences, était complétée par d’autres éléments répartis dans la ville. Les combats qui ont opposé ces derniers aux FARDC a fait jusqu’à 200 morts et de lourds dégâts matériels.

Au terme de 48 heures de combats, les FARDC et la Garde présidentielle ont pris le dessus, et Bemba s’est réfugié à l’ambassade de l’Afrique du Sud. Le 23 mars, « les autorités judiciaires de la RDC ont délivré un mandat d’arrêt pour haute trahison contre Jean-Pierre Bemba [pour avoir] détourné des éléments de l’armée à ses propres fins », a déclaré à l’AFP, un porte parole du gouvernement.

Le procureur général a précisé qu’il poursuivait Jean-Pierre Bemba, élu sénateur en janvier, pour pillage et entretien de milice et qu’il allait saisir le Parlement afin de lever son immunité.

Il est encore difficile de savoir qui a mis le feu au poudre, le camp du président Joseph Kabila, ou le sénateur Bemba, battu à l’élection présidentielle mais aujourd’hui chef de l’opposition ? Comme l’écrit le journaliste de la BBC Mark Doyle, l’un et l’autre sont d’anciens combattants arrivés dans les espaces du pouvoir par les armes. La décision d’intégrer les anciennes gardes personnelles à l’armée régulière [1] a été confirmée par l’ultimatum lancé, mi-mars, par le chef d’état-major.

La promesse avait été formulée de les remplacer par une protection « adéquate ». Pourquoi n’y a-t-il pas eu de discussions entre le pouvoir et l’opposition afin de conclure un accord permettant de régler cette question pacifiquement ? Selon Colette Braeckman (Le Soir de Bruxelles), les autorités auraient découvert des dépôts d’armes et des stocks d’uniformes, y compris des tenues de la Garde présidentielle, dans la ville. Le soupçon que des assassinats et actes de banditisme, commis récemment, ont été perpétrés par des provocateurs déguisés en GP est né. La journaliste belge évoque des « préparatifs insurrectionnels » qui expliqueraient « la fermeté actuelle des autorités qui entendent faire comparaître Jean-Pierre Bemba devant les tribunaux ». Bien entendu, d’autres accusent l’équipe au pouvoir de vouloir juguler l’opposition qui dénonce la corruption du gouvernement.

La communauté internationale, qui multiplie des appels au dialogue, confirme cependant son soutien au président Kabila. La ministre française déléguée à la Coopération, Brigitte Girardin, après avoir dit sa volonté de rencontrer Bemba pour faciliter le dialogue, a signé le 24 mars à Kinshasa un document-cadre de partenariat de 200 millions d’euros sur cinq ans. La Belgique a fait de même.

En attendant de mieux décrypter les événements à Kinshasa, nous pouvons, sans courir le risque de se tromper, rappeler ce qui a conduit à la situation actuelle de la RDC : c’est le génocide commis au Rwanda, traité par-dessus la jambe par la communauté internationale avant, pendant et après son exécution.

Sharon Courtoux

[1Les anciens vice-présidents devant par la suite être protégés par 12 policiers mis à leur service.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 157 - Avril 2007
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