Survie

Comores. La nouvelle crise séparatiste

(mis en ligne le 1er juillet 2007) - Pierre Caminade

Presque dix ans après la première sécession d’Anjouan, l’archipel des Comores est à nouveau au bord de l’explosion. L’accord de Fomboni, conclu en 2000 sous l’égide des réseaux français pour enterrer les accords de Tanarive, signé en 1999 sous l’égide de l’ONU, ne répondaient pas aux objectifs proclamés de mettre fin au séparatisme.

Le colonel Bacar, président de l’Île d’Anjouan, a déployé toute la panoplie du potentat confiant dans ses soutiens français pour rester au pouvoir en faisant fi du calendrier électoral. Sa défiance à l’égard de la présidence de l’Union des Comores (UC) s’est manifestée dès lors que les élections libres de mai 2006 (cf. Billets n°149) y ont porté Ahmed Abdallah Sambi, résolu à lutter contre la corruption.

C’est en avril 2007 que le mandat de Bacar a pris fin. Prétextant de la légalité discutable du mode de nomination de son successeur intérimaire (vis-à-vis de la constitution d’Anjouan), il est allé jusqu’à organiser mi-juin une parodie d’élection qui le consacrera par 73 % des suffrages. Ni l’UC, ni aucune puissance internationale ne reconnaissent ce résultat, qui avait été invalidé par avance par l’Union africaine (UA). La gendarmerie anjouanaise lui reste fidèle, aux côtés de la police paramilitaire de l’île. Ces forces anjouanaises ont tué des membres des forces fédérales lors d’affrontements pour tenter de faire respecter l’Union.

La menace d’une opération militaire, contre les forces anjouanaises, est avancée, puis temporisée, par Moroni (peu crédible militairement, sans bateaux, ni avions, ni hélicoptères) ou par l’UA. Les médiations ont lieu, mais d’autres enjeux jettent de l’huile sur le feu. Forcément, la presse mahoraise fait ses choux gras de la décrépitude anjouanaise, soutenant chaudement Bacar, en ajoutant souvent à coups de désinformation. On espère sans doute faire oublier le fort mécontentement de Mayotte, la grève des enseignants, longtemps soutenue et populaire, le rejet du député UMP Mansour Kamaridine (par 43,7 %, contre 56,3 % pour l’élu Abdoulatifou Aly – MoDem), le vote à 59,8 % pour Ségolène Royal sur cette île très droitière.

Après tout, le maintien des Comores indépendantes dans un état de dévastation politique maximale est le seul ciment qui lie Mayotte à la France. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner du rôle barbouzard, médiatique et diplomatique que jouent la France et son île comorienne dans les crises séparatistes (cf. repère sur…).

Pierre Caminade

Repères sur... une décennie comorienne

 1997 : crise séparatiste attisée par des réseaux français. 14 juillet : les putschistes (l’Organisation pour l’indépendance d’Anjouan – Opia – et le Mouvement populaire anjouanais – MPA) proclament la sécession d’Anjouan, puis demandent son rattachement à la France. Idem le 11 août sur l’île de Mohéli.
 1999. 23 avril : Accord de Tananarive, parrainé par l’ONU, l’OUA, la CEE et la Ligue arabe, qui prône un ensemble comorien dénommé « Union des îles Comores », contre le projet d’« Union des États comoriens » défendu par les sécessionnistes anjouanais. 30 avril : le colonel Azali prend le pouvoir de la RFIC (capitale sur l’île de Ngazidja) par coup d’État, avec l’appui de la DGSE. 3 août : Abdallah Ibrahim cède sa place à Abeid à la tête de l’Etat fantoche d’Anjouan.
 2000. 1er février : l’OUA impose un embargo à Anjouan, qui sera contourné via l’île « française » de Mayotte.
 26 août : Accord de Fomboni, conclu entre le séparatiste Abeid et le putschiste Azali, deux colonels franco-comoriens. Il valide le projet d’« Union des États comoriens ». Il a été plébiscité, entre autres, par Michel Rocard. Il est rejeté massivement par la population et par l’OUA.
 2001. 9 août : l’armée et la gendarmerie anjouanaises, emmenées entre autres par Mohammed Bacar, réussissent un putsch contre Abeid. Le 25 septembre, le commandant Bacar se proclame « chef de l’autorité » d’Anjouan. Abeid tentera de le renverser le 2 novembre.
 2003 : adoption d’une nouvelle constitution, née de l’accord de Fomboni, où la RFIC devient l’Union des Comores (UC), avec des présidents d’île, et un autre pour l’Union (provenant de chaque île à tour de rôle).
 2004 : Azali (de Ngazidja) reste président de l’UC par la fraude.
 2005 : Azali cède à la France la participation sportive de Mayotte sous le drapeau français. Le Parlement et la diaspora réagissent. Le visa pour Mayotte en vigueur depuis 1995 a provoqué 4000 morts par noyade en 10 ans. La chasse aux « clandestins » est déchaînée suite aux déclarations du ministre de l’outre-mer sur le droit du sol / droit du sang aux DOM-TOM ; le député Mansour Kamaridine attise la xénophobie.
 2006. Mai : élection de A.A. Sambi (d’Anjouan) à la présidence de l’Union. Décembre : des provocations séparatistes ont lieu à Anjouan. Le président Sambi doit renoncer à une médiation sur place quand des caches d’armes sont découvertes.
 2007. juin : Bacar sabote l’élection du président d’Anjouan pour rester au pouvoir. Mohamed Abdouloihabi est élu président d’île à Ngazidja (avec 56 % des suffrages) et Mohamed Ali Saïd à Mohéli. Tous deux sont du parti de Sambi.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 160 - Juillet Aout 2007
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