Survie

Incroyable mais vrai

Après avoir renoncé (depuis bientôt cinq ans !) à prendre des sanctions contre le président soudanais Omar el-Béchir, l’assassin du Darfour, la « communauté internationale » menace des groupes rebelles de sanctions s’ils n’obtempèrent pas à ses injonctions.

(mis en ligne le 1er octobre 2007) - Sharon Courtoux

Les participants à une réunion internationale
sur le Darfour ont lancé
vendredi un appel à tous les groupes
rebelles pour qu’ils participent aux
pourparlers de paix intersoudanais du 27
octobre à Tripoli, sous peine de sanctions
 »
nous annonce l’AFP. La menace de sanctions
à l’égard de rebelles qui critiquent
les conditions dans lesquelles les pourparlers
d’octobre s’engagent vient d’abord du
secrétaire d’Etat adjoint américain John
Negroponte, suivi avec enthousiasme par
le ministre soudanais des Affaires étrangè-
res Lam Akol. Rappelons qu’à ce jour les
crimes et exactions de l’armée soudanaise
et ses milices janjawid n’ont pas cessé :
déplacements forcés, massacres, viols et
bombardements… C’est d’abord le pouvoir
soudanais, à l’origine de la situation
au Darfour et de son prolongement dans
le temps, qui mérite des sanctions. Il en
a souvent été question mais toujours sans
résultat. Le conflit au Darfour n’est certes
pas si simple à décrypter, il s’inscrit dans
un contexte régional complexe, dont il
faut connaître l’histoire pour en suivre les
méandres. Il a, inévitablement, empiré, réveillant
ou ravivant tous les antagonismes
de fraîche ou ancienne date. Il n’empêche
que son principal responsable demeure à
Khartoum.

Les menaces de sanctions brandies lors de
la réunion à l’ONU visent surtout le chef
du Mouvement de libération du Soudan
(MLS) Abdel Wahid al Nour. Ce dernier
(réfugié en France depuis trois ans) estime
nécessaire, avant de s’engager dans des négociations,
la matérialisation d’un cessezle-
feu entre belligérants et le casernement
des milices janjawid et de leurs supplétifs.
Ces exigences semblent raisonnables, le
moins que l’on puisse exiger de Khartoum,
dont la volonté d’aller vers la paix est loin
d’être démontrée ! Une ultime revendication
du MLS concerne le pays dans lequel
les discussions devront se tenir. Il estime
que le choix doit revenir aux Darfouri, et
que la Libye n’est pas le « meilleur choix ».
Là encore on ne peut lui donner tort.

Il reste à évoquer la nécessité d’inclure la
société civile du Darfour dans les négociations,
une exigence des Darfouri, à qui on
ne peut d’évidence que donner raison.

Le ministre français des Affaires étrangères,
Bernard Kouchner, ne s’est pas associé
aux menaces de sanctions adressées à
Abdel Wahid al Nour. Après avoir tenté
de convaincre le chef rebelle de se rendre
à Tripoli le mois prochain, il s’est contenté
d’assurer qu’il ne l’expulserait pas. On
aurait souhaité qu’il jette un coup d’oeil
en arrière afin de mieux comprendre ces
revendications : elles correspondent aux
capacités du président soudanais à promettre
sans jamais honorer, et à celles de la
« communauté internationale » à le laisser
faire. Incroyable, il semble ne pas y avoir
pensé.

Sharon Courtoux

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 162 - Octobre 2007
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