Survie

Dimas Dzikodo : « La victoire du RPT est amère et difficile »

(mis en ligne le 1er novembre 2007) - Fabrice Tarrit

Enjeu majeur pour la pacification du pays, après le coup d’État électoral d’avril 2005, les élections législatives au Togo se sont déroulées le 14 octobre dernier, en présence d’observateurs de l’Union africaine, de l’Union européenne, de l’Organisation internationale de la francophonie et de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui ont estimé le déroulement de la consultation satisfaisant et transparent. Dimas Dzikodo, directeur de publication du journal le Forum de la Semaine commente le résultat de ces élections.

Billets d’Afrique. La campagne législative togolaise semble s’être déroulée dans le calme et dans le respect du débat démocratique, ce qui tranche avec le climat de la présidentielle d’avril 2005. Comment expliquez- vous ce relatif apaisement ?
Dimas Dzikodo. Il faut saluer le calme et la sérénité qui ont entouré ce scrutin. Faure Gnassingbé savait que tout dérapage du processus électoral sonnerait le glas de son régime. L’opposition, qui s’illusionnait de remporter ce scrutin, y a également contribué. C’est la conjonction de ces deux éléments qui a permis de déjouer les pronostics les plus sombres de tous ceux qui pariaient que la violence, une arme de prédilection du RPT, s’inviterait au cours de cette confrontation politique.

BdA. N’est-il pas étonnant que la plupart des partis aient accepté d’aller aux élections malgré un découpage électoral très favorable au RPT et des listes électorales inchangées depuis 2005 ? Pensaient-ils avoir suffisamment de garanties quant à la transparence du scrutin ?
D.D. C’est vrai que le découpage électoral actuel pose problème, car, dans certaines circonscriptions électorales, il faut cent mille électeurs pour un siège dans le sud du pays, alors que dans d’autres, celles du Nord, il en faudrait dix mille. Qu’importe, tous les acteurs majeurs de la vie politique nationale ont accepté d’entrer dans la compétition avec un schéma a priori défavorable à une partie. Et les résultats sont là, semblant démontrer que le peuple togolais est un peuple sadomasochiste. Ce qui est loin de la réalité sur le terrain. La classe politique dans les réformes annoncées devra examiner ce point pour qu’aux prochaines législatives les populations soient mieux représentées à l’Assemblée nationale. Quant à la liste électorale elle a évolué car il y a eu au début du processus électoral un recensement général de la population.

BdA. Quel a été, selon vous, le niveau de transparence de ce scrutin, du vote à la proclamation des résultats, en passant par le dépouillement des bulletins ? Les observateurs internationaux ont-ils fait correctement leur travail ?
D.D. Globalement, le niveau de sincérité de ce scrutin tranche par rapport aux autres scrutins que le Togo a connus. La seule tache noire de tout ce processus reste la pénurie orchestrée des timbres d’authentification, le taux élevé de bulletins nuls, plus important que le niveau d’abstention, et l’attitude de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), supposée indépendante et impartiale, dans son refus d’examiner le recours introduit par l’UFC, qui se plaint, à juste titre, des quarante mille votes en sa faveur annulés par des bureaux de vote accusés de corruption. Les observateurs ont eu une attitude politique par rapport aux résultats. Ils connaissaient tous la réalité des résultats, mais ont certainement estimé qu’une alternance incarnée par l’UFC à la suite de ce scrutin provoquerait des soubresauts risquant de plonger le Togo dans l’abîme.
Il n’y a aucune logique dans les résultats incohérents affichés par la Ceni. Mais le Togo a besoin de calme et de la reprise de la coopération. C’est ce fil d’Ariane qui a conduit les éloges dithyrambiques de ces observateurs et en particulier ceux de l’UE dont l’attitude a choqué les Togolais.

BdA. Il paraissait inconcevable que le RPT obtienne la majorité des voix, depuis la répression violente du printemps 2005. Audelà des fraudes dénoncées par l’UFC, quelle est la signification du vote RPT ?
D.D. La victoire du RPT est amère et difficile à avaler, car elle dément deux réalités, d’abord la sanction par le suffrage universel des leaders de l’opposition, qui, depuis un an, ont parti-cipé au gouvernement RPT, et la contestation populaire ouverte du régime pour sa mauvaise gouvernance des affaires du pays. La réalité est que la majorité des électeurs a voté pour l’Union des forces de changement [1].

BdA. Comment envisagez-vous l’avenir du processus démocratique au Togo après ces élections ? Quel rôle peut jouer la communauté internationale (la France) ?
D.D. Le duel de l’UFC et du RPT sur le décompte des bulletins nuls devra trouver une issue sérieuse sinon, demain, l’engouement populaire qu’il y a eu autour de ce scrutin va retomber comme un soufflé.
Faure a fait un parcours sans faute depuis le début de ce processus mais son intégrité morale risque de se noyer dans les appétits gloutons de son parti qui dispose d’une majorité parlementaire qui défie son impopularité dans le pays, du sud au nord.
Pour finir, il est impérieux de souligner que la communauté internationale, la France, l’UE et les autres partenaires au développement ne doivent pas se noyer dans un satisfecit béat exprimé face à ce scrutin. Ils ont un devoir de vigilance envers ce pays où la dynastie et la royauté sont en train d’être légitimées avec un ravalement démocratique de façade. Bref, que la chape de plomb ne tombe pas sur le cri du pauvre peuple togolais !

Propos recueillis par Fabrice Tarrit

[1L’UFC a en effet obtenu ses meilleurs scores dans les circonscriptions les plus peuplées du Sud, tandis que le RPT « faisait le plein » au Nord, dans des circonscriptions peu peuplées. Dans l’absolu, et dans l’attente des résultats de Lomé, l’UFC a donc probablement obtenu plus de suffrages que le parti vainqueur au plan national. C’est le résultat de l’incohérence du découpage électoral, dénoncé par Dimas Dzikodo dans cette interview (NDLR).

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 163 - Novembre 2007
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