Survie

Déforestation, désinformation

Selon un reportage diffusé au journal de 20 heures le 4 décembre, la forêt centrafricaine serait « {victime de l’exploitation industrielle mais surtout de déforestation anarchique par la population} ». Un sommet de désinformation.

(mis en ligne le 1er janvier 2008) - Odile Tobner

Á l’appui de cette thèse, le journaliste
reporter, Jean-Marc Choquet
nous montre sur la route
de misérables pousse-pousse chargés
de morceaux de bois. Commentaire :
« Autour de Bangui le carnage continue
 », c’est-à-dire dans un rayon de 25
à 30 km, où 300 000 tonnes de bois de
chauffe seraient prélevés sur 2500 à
3000 ha.

Pour mesurer la désinformation de ce
reportage il faut s’intéresser à quelques
chiffres. La zone de la forêt
dense humide située au sud du pays a,
selon l’Office international des bois
tropicaux (OIBT), une superficie totale
avoisinant 50 000 km2 soit 8%
du territoire national. Selon d’autres
estimations, 75 % du territoire centrafricain
est occupé par la forêt, soit
450 000 km2. Chacun se fera son idée
sachant qu’en France, où les statistiques
sont plus homogènes, la forêt occupe
155 000 km2 pour les uns et pour
les autres, avec plus de 14 millions
d’hectares (140 000 km2), elle couvre
aujourd’hui 26% du territoire métropolitain.

Si la population de Bangui est accusée
de déforestation parce qu’elle consomme
300 000 tonnes, soit 600 000 stères
de bois, pour environ autant d’habitants,
que dire alors des Français,
qui, eux (un sur deux brûle du bois),
consomment 40 millions de stères de
bois. Ce qui ne représente cependant
que 2,5 % de leur consommation énergétique.
Et on ne compte pas dans ce
volume celui des déchets non recyclés,
tels que, par exemple, les 60 millions
de palettes produites chaque année.

La transformation du bois d’oeuvre entraîne
60 à 80 % de déchets, dont une
infime partie est recyclée en bois-énergie.
Il faudrait donc pas mal de reportages
pour faire la leçon aux Français.
Il est certain que la déforestation peut
affecter les environs de Bangui sur
2 500 à 3 000 ha. C’est dû uniquement
à la désastreuse gestion d’une administration
incompétente et corrompue,
pas même capable d’organiser
la gestion raisonnée de l’exploitation
des bois de feu, dont la ressource est
surabondante. Mais le grand problème
de la Centrafrique, reste l’exploitation
sans frein de presque trois millions
d’hectares sur les cinq reconnus exploitables,
par moins de dix grandes
sociétés concessionnaires. Officiellement
150 000 m3 de bois en grumes
sortent annuellement de la forêt centrafricaine.
Ce chiffre doit être multiplié
par quatre ou cinq pour approcher
de la réalité, tant l’exploitation
échappe à toute maîtrise.

Un projet de l’Agence française de développement
(AFD) a pour ambition
de « créer, sur l’ensemble de la zone
forestière de la République centrafricaine,
les conditions d’une gestion
rationnelle et durable, permettant le
développement socio-économique du
pays […] Élaborer et mettre en oeuvre
un plan d’aménagement forestier pour
chacun des permis afin de permettre le
développement d’activités d’exploitation
forestière socialement bénéfiques,
écologiquement durables et économiquement
soutenables. La superficie à
aménager par le projet est de 2,1 millions
d’hectares
 »

Le projet est beau. Reste à savoir s’il
a une chance de se concrétiser dans
les pratiques et si des sociétés qui ont
l’habitude de faire tout ce qu’elles
veulent se laisseront « accompagner
dans la mise en oeuvre effective et sensibiliser
aux nouvelles techniques d’inventaire
d’exploitation.
 » Il faudrait
probablement plus d’autorité pour les
persuader, mais ni TF1 ni personne n’a
jamais mis les pieds au fin fond de la
forêt en Afrique centrale pour enquêter
et faire des reportages sur la réalité
de l’exploitation forestière.

Odile Tobner

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 165 - Janvier 2008
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