Survie

Munyeshyaka et Bucyibaruta : la saga judiciaire continue

Le feuilleton continue dans les affaires Munyeshyaka et Bucyibaruta. Compte-rendu de l’audience du 12 décembre dernier.

(mis en ligne le 1er janvier 2008) - Alain Gauthier

Une nouvelle fois, les magistrats de
la chambre d’accusation de la cour
d’appel de Paris se sont prononcés
pour un renvoi dans les affaires Munyeshyaka
et Bucyibaruta : la notification de la
décision du tribunal pénal international pour
le Rwanda (TPIR) se fera le 30 janvier 2008.
Ce nouveau retard ne semble pas troubler
outre mesure Edith Boizette, présidente de
la cour, qui a affirmé qu’il n’y avait « pas
d’urgence », et qui est même allée jusqu’à
s’excuser auprès des prévenus de devoir les
faire venir une nouvelle fois à Paris.

La raison de ce nouveau report ? La
cour d’appel n’a reçu la « révocation
de l’ordonnance de transfert
 » que sous
forme de courriel, ce qu’elle ne peut accepter.
Ce sont les originaux qu’elle réclame.
On pourrait penser que, une fois
encore, le TPIR a fait preuve de beaucoup
de légèreté dans cette affaire. Or,
il semblerait bien que ce « raté » est dû
à la lourdeur de l’administration. En effet,
le document original aurait été remis
dans les temps à l’ambassade de France à
Dar Es Salam, qui l’aurait fait suivre au
ministère français des Affaires étrangères
qui, à son tour l’aurait transmis au ministère
de la Justice….Toujours est-il que les victimes devront attendre…. Le
30 janvier, la cour notifiera donc officiellement
aux deux prévenus que le TPIR
renonce à leur remise. Mais c’est là que
les choses sérieuses vont commencer car
la France s’est engagée à les juger. Et
contrairement aux propos d’Edith Boizette,
il y a urgence. À partir d’aujourd’hui, les
parties civiles devront probablement être
plus incisives dans leurs exigences de justice
et veiller à ce que la justice française
fasse son travail. Les propos sibyllins de
la présidente en fin d’audience (« Si nous
n’avons pas les originaux, la cour en tirera
les conséquences
 »), doivent nous tenir en
alerte.

Il ne faudrait pas que ces renvois successifs
laissent entendre aux prévenus
que des jours meilleurs s’annoncent pour
eux, ou bien leur donnent à penser qu’ils
viennent de gagner une bataille. Le risque
cependant existe de les voir prendre
de l’assurance. Pour preuve, le comportement
de Wenceslas Munyeshyaka et de
son frère en marge de l’audience. Le premier,
avant l’ouverture des portes, s’est
précipité vers le président du Collectif des
parties civiles pour le Rwanda (CPCR) à
qui il a tenu des propos d’une agressivité
extrême, accompagnés de gestes provocateurs
 : « De toute façon, la justice me
donnera raison
 » a-t-il vociféré.

En fin d’audience, probablement sur les
conseils de son avocate du jour, il a cependant
tenté discrètement de s’excuser
en reconnaissant qu’il était « très fâché ».
À la fi n de l’audience, ce fut au tour de
son frère de jouer la provocation. Après
m’avoir pris en photo, il a crié haut et
fort, devant ses partisans : « Je vous
casserai
 ». De telles intimidations doivent
être dénoncées car il est clair que dans
le camp des accusés on perd facilement
son sang-froid : il ne faudrait pas qu’ils
se sentent encouragés à des actes encore
plus violents.

Du côté des parties civiles, gardons toute
notre énergie pour les vrais combats qui
nous attendent. Nous aurons besoin de
toutes nos forces.

Alain GAUTHIER, président du CPCR

N.B. : L’affaire Kamali Isaac était aussi au
programme de la journée. Une demande
d’informations complémentaires est adressée au
Rwanda. L’affaire est mise en délibéré au
6 février 2008. Il y a cependant peu de chances
de voir ce prévenu extradé vers le Rwanda !

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 165 - Janvier 2008
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