Survie

Nuages sur l’Afrique

(mis en ligne le 12 janvier 2008) - Odile Tobner

L’année 2008 s’annonce apparemment sous de sombres auspices pour l’Afrique. C’est le continent qui connaît le plus de conflits et de misères, les uns et les autres étant liés. L’ère des guerres intestines est venue, avec celle des interventions étrangères, liées à ces mêmes guerres intestines. L’Afrique est un terrain facile pour ces confl its, qui minent des États récents sans unité, où le pouvoir est l’enjeu de luttes de clans féroces. Ces guerres peuvent engendrer de terrifiants épisodes génocidaires comme on l’a vu au Rwanda en 1994.

L’Est de la RDC est, depuis plus de dix ans, en proie à une guerre permanente, avec son cortège d’atrocités sur les populations civiles, entre des bandes armées de tous bords. Le pire est peut-être que la présence de la plus importante mission d’intervention de l’ONU, la Monuc, est impuissante à protéger les victimes désarmées. Plus de 4 millions de personnes ont déjà péri et les tentatives de solution échouent les unes après les autres. La guerre en effet, qui décime et réduit à la misère la population, est plutôt bonne pour l’exploitation des minerais précieux, qui n’a jamais été aussi prospère.

Le Sud du Soudan a connu à partir de 1983 une rébellion durement réprimée qui a fait en plus de vingt ans 2 millions de morts. Après un accord en 2004 pouvant mener à l’autonomie, la guerre entre le Sud et le Nord pourrait reprendre. Depuis 2003, la guerre fait rage au Darfour faisant 200 000 morts. Là aussi toutes les tentatives d’accord ont échoué. Une force hybride ONU-UA, la Minuad (Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour), commence à se déployer à partir du 1er janvier 2008, mais elle manque de matériels pour couvrir l’immense territoire qu’elle doit protéger.

La Somalie sombre dans le chaos. Mogadiscio n’est plus que ruines. Les habitants ont déserté la ville pour s’installer dans des camps à la périphérie. Ils fuient les exactions de l’armée éthiopienne, venue rétablir le gouvernement provisoire contre celui des tribunaux islamiques, et qui occupe toujours la capitale. Par deux fois en janvier 2007 l’aviation des États-Unis a bombardé le Sud de la Somalie pour anéantir l’armée en fuite des tribunaux islamiques. Un contingent de l’UA, l’Amisom, essaye de se déployer depuis un an.

Au Tchad et en Centrafrique, des rébellions menacent les gouvernements en place. Le maintien de l’ordre répressif est assuré avec l’aide de la France qui possède un important contingent de soldats au Tchad et a envoyé ses paras en Centrafrique reconquérir l’aéroport de Birao. Une force européenne, l’Eufor, qui devait sécuriser les frontières du Tchad et de la Centrafrique avec le Soudan, n’arrive pas à se mettre en place.

Le Nigeria doit toujours faire face, dans la zone pétrolifère du delta du Niger, à la guérilla de groupes armés dont le Mend (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger). Les attaques risquent de redoubler en 2008. L’ambition du Mend est de paralyser l’exploitation du pétrole, qui ne profite pas à la population locale.

Le Mali et surtout le Niger sont aux prises avec la rébellion touarègue. La Côte-d’Ivoire n’arrive pas à mettre un terme à sa division. Le Kenya enfin vient d’occuper l’actualité avec les suites sanglantes d’une élection contestée qui ont fait des centaines de morts. Partout des tyrans locaux s’accrochent au pouvoir, plongeant leurs pays dans la pauvreté.

Il ne faut surtout pas se laisser entraîner dans un afro-pessimisme complaisant. Ici et là on entend des voix et on observe des luttes qui manifestent la volonté des Africains de s’unir contre les vrais ennemis de l’Afrique. Souhaitons à ces voix et à ces luttes d’attirer enfin l’attention au milieu du tumulte général.

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