Survie

Les 3 K : Kouchner, Kinshasa, Kigali

(mis en ligne le 1er février 2008) - Sharon Courtoux

Le ministre des Affaires
étrangères, Bernard
Kouchner, a rencontré le
président congolais
Joseph Kabila à Kinshasa
le vendredi 25 janvier avant
de se rendre à Kigali où il
a rencontré le président
rwandais Paul Kagame.

Bernard Kouchner s’est rendu en
République démocratique du
Congo (RDC) et au Rwanda au
lendemain de la signature, à Goma, par
tous les groupes armés en conflit, de
l’acte d’engagement dont l’objectif est
la cessation des hostilités qui ravagent
l’est du pays. Ce déplacement se situe
dans le contexte d’une tentative de rapprochement
entre Paris et Kigali dont
les relations diplomatiques sont rompues
depuis que le juge Bruguière a lancé
des mandats d’arrêt contre des proches
du président Paul Kagame, accusés de
l’attentat contre l’ancien président rwandais,
Juvénal Habyarimana.

Absent du paysage kivutien durant les
négociations qui ont mené au cessez-le
feu, la France fait sa réapparition sur la
terre congolaise. « Nous avons été pendant
quelques années un peu éloignés de
votre pays. Ce voyage marque un retour,
non pas de l’amitié qui a toujours existé,
mais de relations plus fortes
 », a déclaré
le ministre.

Il a invité le président congolais à se
rendre en France au mois de mars, invitation
que Joseph Kabila a accepté.
Il a également exprimé son voeu que
la république démocratique du Congo
(RDC) soit l’hôte du sommet de la francophonie
de 2010, annoncé l’ouverture
de deux consulats dans des villes de
province du pays (sans indiquer lesquelles),
et souligné la détermination
de Paris à être plus présent « bien sûr
en termes financier, de développement
et de coopération, mais surtout en termes
de projets
 » (sans indiquer de quels
projets il s’agit, si ce n’est sa proposition
de se rendre utile dans le domaine
de la réforme de l’armée).

La prédominance américaine au Congo,
notamment à Goma durant la conférence
pour la paix, n’est certainement pas
étrangère à l’ambition française de se
tailler une niche plus importante dans
un pays pourvu de richesses minières
inégalables.

Mais c’est la gestion du « brûlot rwandais
 » qui est au centre des événements.
Bernard Kouchner sait, comme tout le
monde, que la France a soutenu le régime
rwandais qui a commis le génocide. Le
samedi 26 janvier, à Kigali, il a déclaré
que « c’était certainement une faute politique.
On ne comprenait pas ce qui se
passait. Mais il n’y a pas de responsabilité
militaire
 ».

De retour à Paris, Bernard Kouchner précisait
qu’il ne visait « ni Alain Juppé, ni
Edouard Balladur
 », respectivement ministre
des Affaires étrangères et Premier
ministre à l’époque. Bernard Kouchner
répondait au maire de Bordeaux, en fonction
de 1993 à 1995, qui a mis en garde
sur son blog contre « les amalgames de
la repentance ou les compromissions de
la realpolitik
 », après ses déclarations au
Rwanda. On aurait alors aimé qu’il désigne
les politiques fautifs, et avoue le rôle
joué par des militaires français au Rwanda
aux ordres desdits politiques.

Encore un effort Bernard ! Le président
Kagame, qui a traité Bernard Kouchner
de « bon ami », a déclaré vouloir « se
débarrasser des obstacles fondés sur les
erreurs du passé
 », ajoutant : « Nous
allons mettre les mécanismes nécessaires
en place
 ». Où en sont les négociations
Paris-Kigali ? Il est encore trop
tôt pour le dire.

Lors du même entretien, Bernard Kouchner
a abordé la question du rapatriement
des FDLR (milices hutu rwandaises présentes
en RDC depuis le génocide de
1994) au Rwanda. Qu’en a-t-il dit ? Au
moment de mettre sous presse, nous ne
le savons pas encore. En ce qui concerne
la situation dans la région des Grands
Lacs, le ministre souhaite certainement
hisser l’influence française à un niveau
plus élevé…

Le ministre a débuté son bref séjour à
Kigali en se recueillant au mémorial du
génocide.

Sharon Courtoux

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 166 - Février 2008
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