Survie

Les FDLR à l’ONU

(mis en ligne le 1er avril 2008) - Sharon Courtoux

Quatorze ans après l’exécution du génocide des Tutsi Rwandais, le conseil de sécurité se déclare « gravement préoccupé » par la présence persistante des forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dans l’est de la RDC, et exige de tous ses membres qu’ils déposent les armes. Comme les FDLR l’ont aussitôt rappelé, elles n’en feront rien, ce qui est gravement préoccupant. A qui la faute si elles sont toujours là ?

Dans sa résolution 1804, adoptée le 13 mars dernier, les « préoccupations » du conseil de sécurité, et son « exigence » que les FDLR déposent les armes s’accompagnent du rappel que la mission de l’ONU au Congo (MONUC) « a pour mandat de faciliter la démobilisation volontaire et le rapatriement librement consenti » de ces combattants, [...] et d’utiliser tous les moyens nécessaires, dans la limite de ses capacités et dans les régions où ses unités sont déployés, pour appuyer les opérations menées par les Forces armées congolaises ». Si le représentant du secrétaire général des Nations Unies, Alan Doss, a déclaré que la MONUC a déjà pris des mesures pour « renforcer sa présence militaire dans les zones de proximité en coordination avec les FARDC », il a aussi écarté toute option militaire contre les FDLR. Le lendemain, sur RFI, un porte-parole de la MONUC à Goma a ajouté que la mise en œuvre de la résolution 1804 « serait encore long ». Hélas.

La résolution du conseil de sécurité demande, dans son article 4, « aux gouvernements de la RDC et du Rwanda d’intensifier leur coopération pour donner suite aux engagements qu’ils ont souscrits dans le communiqué de Nairobi, en particulier en vue de créer les conditions propices au rapatriement des combattants démobilisés ».

Quelques remarques s’imposent. La résolution suggère, sans le dire précisément, que le désarmement des forces négatives reviendrait aux FARDC, ce à quoi la RDC s’était préparée en s’engageant à fournir un plan à cet effet lors de la signature du communiqué commun RDC-Rwanda de Nairobi. Or, de l’avis de tous les observateurs, l’armée congolaise n’est pas en mesure de venir à bout des FDLR. Celles-ci ont déclaré leur refus d’une démobilisation volontaire : elles exigent qu’un retour au Rwanda s’accompagne de négociations et qu’elles puissent s’instituer en parti politique. Ce que Kigali refuse.

Un retour au pays difficile

Le Rwanda se dit prêt à accueillir (réintégrer) ses ressortissants réfugiés en RDC, en rappelant qu’ils devront respecter les lois et règlements qui régissent la Nation dont ils sont issus, et confirme son intention de traduire en justice ceux qui ont participé au génocide de 1994. La liste de ces derniers, fournie aux autorités congolaises afin qu’elles procèdent à leur arrestation, atteindrait le chiffre de plus de 6000 [1] noms selon le ministre congolais des Affaires étrangères, Antipas Mbusa Nyamwisi (sur RFI). Ceci ne simplifie pas la situation, même si le ministre congolais a terminé son intervention sur une note d’espoir concernant sa confiance dans l’amorce d’un dialogue...

Rappelons que les forces de l’armée pour la libération du Rwanda (ALIR), puis des FDLR, ont prêté main forte à l’armée congolaise durant les années des guerres qui ont ravagé la région, et à de nombreuses occasions par la suite. Quels que soient les ravages dont ces forces se rendent sans cesse responsable dans l’est du Congo, les relations entre celles-ci et Kinshasa perdureraient. Quant aux relations entre Kinshasa et Kigali, peut-on noter de part et d’autre une plus grande disponibilité à dialoguer ? L’avenir le dira.

Ayant failli à sa tâche en 1994 (il est incontestable que le génocide commis au Rwanda aurait pu être empêché), cette communauté internationale - au sein de laquelle une France « fâcheusement » impliquée - a poursuivi dans sa mauvaise voie au lendemain du génocide en laissant s’installer et se développer une situation qui aboutit aujourd’hui à une sanglante impasse. Si les forces génocidaires qui se sont repliées au Congo après leur défaite en juillet 1994 avaient été immédiatement désarmées et mises au pas, nous n’en serions pas là. A quoi sert alors la résolution 1804 ? Peut-être à illustrer une fois encore que la communauté internationale a des obligations et qu’elle doit les honorer.

Sharon Courtoux

Des mouvements en pleine évolution

Dès l’automne 1994 s’est créée la première organisation regroupant les éléments (ex-FAR (forces armées rwandaises avant le génocide), milices Interahamwe et politiques), réfugiés au Zaïre, ayant participé au génocide : le parti du Rassemblement pour la démocratie et le retour des réfugiés (RDR). En 1998, il laisse la place à l’Armée de libération du Rwanda (ALIR), doté d’une branche politique, Peoples Army for the liberation of Rwanda (PALIR). La mise en déroute définitive des forces de l’ALIR infiltrées dans le Nord du Rwanda a conduit ces forces à créer le Comité de coordination pour la résistance (CCR). Des dissensions au sein du CCR ont conduit à la création des FDLR (l’historique de ces mouvements est magistralement rappelé dans le document d’Aloys Tegera : « La Conférence de Goma et la question de la présence des FDLR au sud et Nord-Kivu : état des lieux », sur www.pole-institute.org).

[1Les estimations du nombre total des personnes regroupées sous le sigle des FDLR ou affiliés sont diverses, mais ce chiffre ne serait pas très éloigné de la réalité. Or, il est certain que nombre d’entre eux, ne serait ce qu’en raison de leur âge, n’ont pas participé au génocide.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 168 - Avril 2008
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