Survie

Sortir du SMI (Système de Misère Imposée)

(mis en ligne le 1er novembre 2008) - Odile Tobner

Alors que le vaisseau de la finance mondiale est ballotté sur les flots déchaînés de l’océan
de la spéculation et que vacille l’« ordre » capitaliste, victime de sa jactance effrontée,
on a l’amère satisfaction de voir nos hommes politiques découvrir tout à coup l’existence
et les vices des paradis fiscaux, au moment où les sociétés développées sont directement
menacées par les conséquences de l’avidité incontrôlée de ces zones obscures établies pour
piller impunément toutes les ressources disponibles.

Mais cela fait bien longtemps que leur malfaisance était à l’oeuvre, depuis que les capitaux
arrachés aux pays pauvres par les superbénéfices des multinationales, par les détournements
de fonds, par la corruption y ont trouvé refuge, comme l’indique l’appellation
anglo-saxonne de tax haven, traduite en français par « paradis fiscal ». Ces capitaux
cherchent bien sûr à échapper aux prélèvements fiscaux mais surtout à l’identification
de leur origine. Ils vont ensuite, blanchis à travers diverses chambres de compensation,
nourrir la spéculation effrénée dans l’ivresse d’enrichissement de traders fous.
Ce système a été dénoncé depuis longtemps par des économistes conscients, qui n’attribuaient
la misère des pays pauvres ni à la fatalité, ni à l’incurie de leurs habitants, mais
à l’exploitation éhontée des ressources et des hommes par le capitalisme des grandes
puissances économiques, qui fermaient les yeux sur les mécanismes d’extorsion massive
dont étaient victimes les plus pauvres.

Il faut que cette lèpre atteigne les zones « développées » pour que tout à coup les responsables
politiques prennent peur. Le capitalisme mondial, à force de se nourrir de la
misère, voit ses appétits décuplés. Il va dévorer ses propres enfants, ceux qui se pensaient
bien à l’abri dans son giron. D’où, en effet, pouvaient bien venir les rémunérations
gigantesques des patrons des multinationales, les dividendes mirifiques de leurs
actionnaires ? Non de la juste rétribution d’un travail précieux ni de la récompense d’une
épargne vertueuse, mais de la violence massive et anonyme qui assure la pérennité du
désordre mondial.

On attendait la révolte des pauvres et c’est à l’effondrement du système sous l’action
mortifère de ses propres excès qu’on va assister. On est sidéré devant les sommes pharaoniques
mises, sans tambour ni trompette, au service du sauvetage du système d’exploitation
de l’humanité, alors qu’on ne trouve que quelques malheureux sous, accordés
à grands cris, pour sauver l’humanité elle-même.

Si le Trésor français peut sauver ses banques c’est parce qu’il dispose des 11 000 milliards
de francs CFA que les pays très pauvres de la zone franc sont contraints d’y
déposer.

Les financements de l’AFD ne représentent qu’une petite partie de ce que rapportent
ces fonds au Trésor français. C’est le Sud qui finance les extravagances spéculatives
du Nord. C’est cela qui doit changer. Le système arrogant de domination monétaire du
monde n’était qu’un vaste chaos. Si, par conformisme, manque d’audace et d’imagination,
on le laisse se restaurer encore aux dépens des plus pauvres et engendrer encore et
toujours les guerres dont il se nourrit, on aura perdu une chance de s’engager hardiment
sur des voies entièrement nouvelles en rendant à la monnaie sa seule fonction d’échange
équitable entre les peuples et en lui enlevant le pouvoir exorbitant de s’enfler au gré des
ambitions démentielles de quelques apprentis sorciers.

Odile Tobner

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 174 - Novembre 2008
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