Survie

Le Sénégal laboratoire du néofoccartisme ?

(mis en ligne le 1er décembre 2008) - Mayacine Diouf

La présence de Robert Bourgi, vieux soutier de la Françafrique, dans l’entourage de Nicolas Sarkozy signe le regain d’une politique françafricaine alors que le climat politique s’est considérablement dégradé au Sénégal. Robert Bourgi conseille également le président sénégalais et son fils Karim, dauphin désigné.

Le pays de Mamadou Dia, du nom
de l’ancien président du Conseil des
ministres du Sénégal est en proie à
d’énormes difficultés. Ce pays, jadis considéré
comme un modèle de démocratie, est
aujourd’hui entré dans une zone de turbulence.
Les observateurs les plus avertis
savent que les ingrédients du naufrage
collectif sont bien réels. Recul démocratique,
atteintes aux libertés individuelles,
manipulation de la constitution à des fins
politiques, corruption généralisée dans un
contexte de crise internationale. Le président
de l’Assemblée nationale sénégalaise,
Macky Sall, vient de se faire éjecter
de son perchoir après un tripatouillage
de la constitution qui dépasse l’entendement.
L’opposant Talla Sylla a même
fait un appel à l’insurrection et a accusé
le président Wade d’être un criminel. Le
climat politique s’est dégradé considérablement
et le pouvoir semble jouer la
montre comme si de rien n’était. Cette
situation inédite est le terreau naturel de
l’omniprésence presque pavlovienne de
certains soutiers de la françafrique, ces
facilitateurs qui permettent une lecture
simpliste des problèmes tout en promouvant
les « affaires d’État » qui rapportent
gros. Dès lors, les relations incestueuses
prennent le dessus sur une véritable vision
politique des affaires africaines. Survie
en a dénoncé des pans entiers au cours
de ces dix dernières années. Le grand
retour du très foccartien Robert Bourgi,
dont les états de service aux côtés des
dictateurs africains ne sont plus à démontrer,
n’est pas des plus rassurant quant à
l’émancipation des peuples africains. Le
fils adoptif d’Omar Bongo qu’il appelle
« papa » a accompagné un Mobutu rongé
par la maladie et la solitude jusqu’au bord
du précipice. Il a nagé dans les eaux troubles
au nom de la françafrique du temps
de Jacques Chirac et repris du service
sous Nicolas Sarkozy après quelques hésitations
électoralistes vite balayées par
le réalisme du totem africain Bongo. Le
conformisme et le confort que procure la
Cinquième République en matière d’affaires
africaines polluent le bon sens en
matière de géopolitique. Au Sénégal, Robert
Bourgi conseille le président sénégalais
et son fils Karim, dauphin embusqué,
qui, du haut de son strapontin taillé sur
mesure se prépare, selon la presse sénégalaise,
à succéder à son père. C’est dans
ce contexte de succession familiale que
l’avocat Robert Bourgi opère. Après le
coup d’État en Mauritanie, le président
Wade s’était abstenu de se prononcer en
faveur d’un retour à l’ordre constitutionnel.
Sans doute inspiré par Robert Bourgi
qui selon la Lettre du continent (n°550)
soutient « le duo de généraux Mohamed
Ould Adel Aziz et Mohamed Ould Ghazouani
à l’origine du coup d’État du 6
août 2008
 ». En effet, Robert Bourgi, qui
a la nationalité sénégalaise, est intervenu
à plusieurs reprises dans des dossiers sénégalais
notamment celui du naufrage du
Joola avec l’affaire des mandats d’arrêts
lancés par le juge Jean-Wilfried Noël à
l’encontre de hauts dignitaires sénégalais
(Billets d’Afrique n°173).
La montée en puissance du néofoccartisme
dans la politique africaine de la
France sonnera-t-elle la fragilisation des
positions françaises en Afrique à l’heure
de l’errance économique exacerbé par la
crise financière internationale ?
Gageons que les relations entre Washington
et Paris resteront au beau fixe malgré la
surprenante déclaration de Georges Bush
pendant la campagne à savoir que « le
prochain président des États-Unis devra
s’occuper de l’Afrique en priorité
 ». Le
néofoccartisme, ultime arme contre le syndrome
de Fachoda et pour la restauration
d’un néocolonialisme d’un genre nouveau
que récuse les envolées fébriles de quelques
« négrologues » tétanisés par un nouvel
ordre mondial qui pourrait renaître des
cendres des économies folles…

Mayacine Diouf

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 175 - Décembre 2008
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