Survie

Président Dia

rédigé le 9 février 2013 (mis en ligne le 13 mars 2013) - Raphaël de Benito

Président Dia, un film documentaire d’Ousmane William Mbaye • 2012 • Autoproduction, Institut national de l’audiovisuel, Les Films Mama Yandé.

« Il est Français avant d’être quoi que ce soit. Il a beau chanter la négritude mais je crois que c’est du romantisme. Sa conviction profonde, c’est la France, l’amour de la France. Il devrait être dans votre Panthéon. »

Ces mots, ce sont ceux d’un connaisseur : Mamadou Dia à la fin de sa vie.

Deux ans après l’indépendance, le 17 décembre 1962, Mamadou Dia, président du conseil du Sénégal, est arrêté et condamné à perpétuité, accusé de coup d’État par son ami et compagnon Léopold Sédar Senghor. Il est emprisonné avec quatre de ses plus proches ministres. Le len­demain, la constitution est modifiée, le régime présidentiel succède à un régime parlementaire et donne à Senghor les pleins pouvoirs. C’en était fini du système bicéphale où Dia avait en charge la politique économique du pays et sa mise en œuvre et Senghor, la politique extérieure.

La première rupture entre les deux hommes date de 1958 quand la France organise dans ses colonies un référendum visant à la création de la Communauté française. Dia, bien avant la Guinée, rejette l’idée et opte pour une accession immédiate à l’indépendance sans tutelle préalable de Paris. Il ne se doutait pas de l’aveu que lui ferait Senghor : « J’ai promis aux Français de voter oui ». Une trahison qui précédera donc celle de 1962.

Toujours pour les mêmes raisons. Dia milite pour une rupture nette avec la France et souhaitait une diversification des partenaires extérieurs. Sur le plan agricole, il installe des coopératives et prépare une sortie planifiée de l’économie arachidière. Les construc­tions de logement se multiplient grâce à une nouvelle structure qui a donné son nom à bon nombre de quartiers dakarois : la SICAP. Dia prévoyait également de mettre fin à la coopération militaire française.

Deux semaines avant son arrestation, Dia prononce un discours dans lequel il prône la « mutation totale qui substitue à la société coloniale et à l’économie de traite une société libre et une économie de développement ». Une déclaration qui provoque le dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement les jours suivants. Jugeant cette motion irrecevable, Dia tente d’empêcher son examen par l’Assemblée nationale au profit du Conseil national du parti, en faisant évacuer la chambre des députés. La motion sera votée dans l’après-midi même au domicile du président de l’Assemblée, Lamine Guèye. Le chef d’etat-major Amadou Fall est destitué, remplacé par un ancien officier de l’armée française, le capitaine Jean Alfred Diallo. Fall dira à Dia : « J’ai été destitué sur ordre de la France ».

Mamadou Dia ne sera libéré qu’en 1974. Avant sa disparition en 2009, il dira avoir pardonné à Senghor. « La seule chose que je ne lui pardonnerai jamais, c’est d’avoir permis au Sénégal de devenir ce qu’il est aujourd’hui alors que nous étions si bien parti après l’indépendance ».

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 221 - février 2013
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