Survie

Ambiance délétère

(mis en ligne le 1er mars 2009) - Odile Tobner

Le régime de Paul Biya, sourd à toute critique, tance la communauté internationale

Rencontrant, le 19 février, le corps
diplomatique, laissé debout pour
écouter son monologue, le ministre
des Relations extérieures, Henri Eyebe
Ayissi a vivement réagi aux récentes
critiques dont l’organisme Elecam, créé
pour contrôler les élections, a fait l’objet.
(Billets d’Afrique 177, janvier 2009). Il a
exposé « ce que le gouvernement attend
de la communauté internationale au sujet
de la mise en place et du fonctionnement
d’Elecam. »
Extraits : « Le gouvernement
attend de vous, en votre qualité de pays
amis et de partenaires bilatéraux et multilatéraux,
le respect de ses institutions et la
compréhension que méritent ses décisions
[…] en se gardant de céder à la tentation
de cette nouvelle forme de “mission
civilisatrice ” qui tend à se draper sous
le manteau du “ devoir d’ingérence démocratique
”, qui n’hésite pas à recourir
aux médias nationaux et internationaux pour discréditer les institutions politiques
nationales, pour cause de non conformité
aux modèles politiques ou culturels dominants.
[…] Le Cameroun, comme les
autres États africains, a beaucoup moins
besoin de leçons de démocratie que de
l’acceptation des expériences de démocratie
conduites dans leurs contextes historiques
et socioculturels spécifiques. »

D’ailleurs, « le dialogue véritable suppose
la reconnaissance de l’autre à la fois
dans son identité et dans son altérité… les
hommes peuvent atteindre un but commun
sans emprunter les mêmes voies […] aller
doucement n’empêche pas d’arriver à
bon port. »

Par conséquent, le gouvernement « engage
ses partenaires extérieurs à oeuvrer
pour la consolidation de l’État de droit au
Cameroun, à travers l’incitation de tous
les acteurs du processus électoral au respect
des lois de la République ainsi que du
verdict des urnes. Cette exigence,
selon le
Minrex, devrait les conduire à s’abstenir
de toute incitation ou de tout soutien
direct ou indirect au rejet dudit résultat
[…] ».

L’ambassadeur de France, Georges Serre,
qui n’a jamais formulé la moindre critique,
s’était fait représenter à cette réunion.
Javier Puyol, représentant de l’UE,
qui a fait la photo de famille le dos tourné
aux objectifs, Antonio Bellavia (Italie),
Saskia N. Bakker (Pays Bas), Janet Garvey
(États-Unis), Jean-Pierre Lavoie (Canada),
et autres chefs de missions diplomatiques
notamment occidentales, sont
sortis sans prendre part au cocktail final.
Ce discours musclé montre la crainte
du pouvoir camerounais de subir, lors
de la prochaine élection présidentielle,
un sort comparable à celui du Kenya ou
du Zimbabwe, amenés, lors d’élections
contestables et contestées, à négocier
un partage du pouvoir avec leurs opposants.
L’argumentation selon laquelle on n’a
pas le droit de critiquer un pays étranger,
sous prétexte de différence culturelle, a
trop servi à pas mal de dictatures pour être
convaincante. Reste un ton menaçant, assez
dérisoire quand on n’est pas la Chine.
Malheur également aux Camerounais qui
osent critiquer le pouvoir. Un professeur
qui pestait, dans un taxi, contre les embarras
de la circulation occasionnés par
les déplacements du chef de l’État s’est
retrouvé au commissariat, puis en prison,
dénoncé par un flic en civil présent dans
le même taxi.
Le Cameroun n’a rien à envier à la Corée
du Nord côté ambiance.

Odile Tobner

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 178 - Mars 2009
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