Survie

Débat parlementaire sur Mayotte : retenir le meilleur ou le pire ?

C’est sans doute la première fois, depuis 1981 au moins, qu’il est rappelé à l’Assemblée nationale et au Sénat que la France occupe illégalement Mayotte. Un débat qui intervient à quelques jours du référendum pour la départementalisation de l’île.

(mis en ligne le 1er mars 2009) - Pierre Caminade

Ce sont des élus communistes, le député Jean-Paul Lecoq et la sénatrice Éliane Assassi, qui ont administré ces piqûres de rappel, provoquant un déferlement de réactions cocardières. Le rappel, par ces deux trublions, des condamnations de l’ONU, qui n’étaient pas évoquées dans les comptes rendus du Conseil des ministres, ont particulièrement fait monter la tension. Dans les deux chambres, ces communistes ont été accusés de réécrire l’histoire (par le député Jean-Christophe Lagarde et le sénateur Jean-Jacques Hyest), quand il ne s’agissait pas, retour d’un réflexe de guerre froide, de dénoncer « la voix de l’étranger ! » (René Dosière).
Signalons des propos constructifs que Jean-Christophe Lagarde du Nouveau Centre adresse à Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des collectivités territoriales : « Je vais, madame la ministre, vous soumettre trois propositions [...] Il est vrai que l’hôpital de Mamoudzou est le premier de France en termes de naissance, mais, très franchement, ces femmes enceintes qui traversent les soixante-dix kilomètres de mer ne le feraient pas si la France, au titre de la politique de coopération – et à bien moindre coût que nous ne le faisons aujourd’hui à Mamoudzou – construisait un hôpital aux Comores. Tout le monde serait gagnant, l’équilibre social serait gagnant : ces femmes ne traversent la mer que pour pouvoir accoucher dans des conditions sanitaires satisfaisantes [...] Ensuite, [...] nous pourrions, au titre de la politique de coopération, construire nous-mêmes les écoles et même rémunérer – moins cher qu’un enseignant français expatrié – les Comoriens qui enseigneraient à leur population. [...] Je crois enfin, madame la ministre, que la France, comme Mayotte, ont tout intérêt à l’institution d’un permis de libre circulation à l’intérieur de l’archipel géographique des Comores, c’est-à-dire entre les quatre îles. Ce permis autoriserait les allers et retours. Là-bas, on nous a expliqué qu’un certain nombre de Comoriens voudraient simplement venir commercer, sans s’installer sur l’île de Mayotte. Or ce serait sain. Le raidissement de la position française sur la circulation interne a abouti à une situation où chaque traversée devient une installation définitive, au détriment même des Mahorais. »
Propos constructifs par rapport à la politique répressive, mais bien ignorés, sinon par un écho dans le rapport d’information du 18 février 2009 sur les perspectives de départementalisation de Mayotte (n° 1485) : « Nous avions d’ailleurs suggéré, en 2006, [...] de construire à Anjouan une maternité dotée d’équipements modernes et de doter celle-ci d’une équipe permanente de médecins français. Si la coopération entre États ne porte pas ses fruits, la coopération décentralisée offre encore des possibilités d’action, notamment pour la région Réunion qui peut trouver son intérêt à une stabilisation des flux migratoires. » (p. 57)
Une variante qui a le mérite de préserver les deniers prélevés par le gouvernement UMP, au détriment de ceux de la ROM Réunion, de moins bon goût politique. Exit surtout l’idée du « permis de libre-circulation », c’est à dire plus ou moins la suppression du visa.

Pierre Caminade

quote

Deux référendums coup sur coup

La France organise, le 29 mars prochain, un référendum, totalement illégal du point de vue du droit international, au terme duquel l’île, annexée en 1975, au moment de la proclamation de l’indépendance de l’archipel, deviendra le 101e département français. Survie lance une campagne de pétitions adressées aux responsables et aux élus de l’UE leur demandant d’intervenir auprès de Paris pour annuler ce référendum.
On peut la signer en ligne sur le site : www.tlaxcala.es
Ce référendum en cache un autre, qui aura lieu le 22 mars aux Comores. Le président de l’Union en place jusqu’en 2010, l’Anjouanais Ahmed Abdallah Sambi, propose une révision constitutionnelle réduisant les pouvoirs des présidents des îles, qui deviendraient des gouverneurs, et allongeant d’un an le mandat du président de l’Union actuellement de quatre ans. Ces modifications contribueraient à refédéraliser les Comores, ramenant la Constitution à un état plus proche de ce qu’elle était avant la crise séparatiste. Celle-ci, instrumentalisée, voire provoquée, par la France, s’est soldée par la transformation de la Fédération en Union des îles.
Par ailleurs, le moins qu’on puisse dire, c’est que le gouvernement comorien n’a pas brillé par sa pugnacité à revendiquer le retour de Mayotte dans l’Union des Comores, malgré les promesses électorales. Les déclarations récentes de Sambi et de son ministre des Affaires étrangères Jaffar, selon lesquelles le seul point à discuter avec la France était la question de la libre-circulation entre les Comores et Mayotte – supprimée par le visa Balladur en 1995 -, et passant sous silence la revendication légitime de restitution de Mayotte aux Comores, laisse pantois. Les Comoriens semblent plus soucieux du référendum que Sambi laisse faire à Mayotte sans protester, que de celui auquel ils vont pouvoir participer.
Fausto Giudice, Pierre Caminade quote

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 178 - Mars 2009
Les articles du mensuel sont mis en ligne avec du délai. Pour recevoir l'intégralité des articles publiés chaque mois, abonnez-vous
Pour aller plus loin
a lire aussi