Survie

Une pluie de raoulteries

(mis en ligne le 3 décembre 2009) - Odile Tobner

Eric Raoult multiplie les pataquès qu’il ne faudrait cependant pas prendre pour des maladresses à un moment où, en campagne électorale, il importe de draguer les électeurs du Front National.

Son agression de la récipiendaire du prix Goncourt Marie Ndiaye a fait florès dans les médias. Il en a remis une couche en déclarant « Même Yannick Noah et Lilian Thuram n’en avaient pas fait autant qu’elle », suggérant sans doute qu’appartenir à l’opposition est interdit aux gens de couleur. C’est ce que Le Canard enchaîné (18/11) qui reprend ces propos après Le Monde (14-15/11), appelle « pigmenter le débat ». La totalité de l’intelligentsia médiatique a vertueusement défendu la liberté d’expression de l’écrivain – pourquoi pas la liberté d’opinion de tous les citoyens. Seul Alain Finkielkraut, sur le plateau de « Ce soir ou jamais » (19/11), tout en concédant le droit à la liberté d’expression, a compati au sort de Eric Raoult, écrasé par la multitude, et déclaré que, lorsqu’on est un écrivain, on doit tenir des propos « responsables ». Il sait de quoi il parle avec ses propos sur l’équipe de France « black, black, black », qui fait ricaner l’Europe, et sa pétition contre « le racisme anti-blanc ».

La question écrite posée à l’Assemblée par le député Eric Raoult mérite aussi d’être diffusée (BO 10/11/2009, page 10527.)

« M. Éric Raoult attire l\’attention de M. le secrétaire d\’État chargé de la coopération et de la francophonie sur l\’intérêt que représenterait la création d\’un label « Pays amis de la France ». En effet, il peut paraître assez singulier, voire très surprenant, que l\’on puisse constater régulièrement que les médias et certains responsables politiques français s\’ingénient à dénigrer certains pays pourtant amis de la France. Cette méthode regrettable est ainsi couramment utilisée à l\’encontre de pays comme la Tunisie ou le Gabon par exemple. Alors même que ces « droits de l\’hommistes » impénitents voire professionnels oublient les mêmes réclamations pour de nombreux autres pays. Cette action systématique de critique à l\’égard de certains pays suscitent parfois tant l\’indignation de leur population, que le doute de nos compatriotes sur la réalité politique de ces pays. Une incompréhension peut donc jaillir entre la France et ces états décriés. Dès lors, il pourrait s\’avérer intéressant de créer puis de décerner un label « Pays amis de la France » pour les nations étrangères avec lesquelles nous entretenons des relations privilégiées d\’amitié et qui sont des clients attitrés pour notre commerce extérieur. Ce label pourrait ainsi symboliser les pays desquels nous voulons défendre la réputation, au regard de la population française, mais aussi pour prouver l\’importance que nous attachons aux échanges commerciaux avec ces pays. Il lui demande donc de lui préciser sa position sur cette proposition.

Sans attendre la réponse du Ministre de la coopération et de la francophonie, bizarrement destinataire de cette question – pourquoi pas le Ministre des Affaires Etrangères, le Turkménistan ne peut-il pas être distingué comme « ami de la France » ? – on peut rassurer Eric Raoult. Le label « pays ami de la France » existe déjà, de même que « dictateur ami de la France », qui convient si bien aux pays cités comme méritant ce label, La Tunisie et le Gabon, sauf que c’est une marque d’infamie, inventée par Survie, des affreux « droits de l’hommistes » qui donnent des boutons à Eric Raoult. L’appellation n’étant guère flatteuse mais devenue, par la force de la réalité, synonyme de basse complaisance, on aura du mal à en faire une appellation honorifique.

Odile Tobner

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 186 - Décembre 2009
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