Survie

Le parquet rejoint quasiment la défense de Falcone

(mis en ligne le 1er janvier 2010) - Raphaël de Benito

La condamnation de Pierre
Falcone et sa détention
immédiate lors du procès
en 1ère instance avait été
une surprise en octobre
dernier. Elle avait provoqué
la colère de l’Elysée et de
l’Angola. Falcone reste
toutefois en prison malgré
la « gentillesse » du parquet
général.

Condamné à six ans de prison ferme
pour avoir organisé un vaste
trafic d’armes entre la France
et l’Angola, pays alors en guerre civile
et soumis à un embargo de l’ONU,
Pierre Falcone avait fait appel de cette
décision. Un mandat de dépôt avait été
délivré contre l’homme d’affaires, ministre-
conseiller de l’Angola auprès de
l’Unesco à Paris, qui, selon le tribunal,
ne bénéficiait pas d’une immunité diplomatique
pour ces faits.

A l’audience qui examinait, le 27 octobre,
une demande de remise en liberté,
le parquet général est allé quasiment
aussi loin que les avocats de la défense
 ! Arguant de « difficultés juridiques »
du fait du statut diplomatique de Pierre
Falcone, privilégiant une « immunité de
juridiction
 », c’est-à-dire la compétence
de la justice française à le juger, à une
« immunité d’exécution » qui interdit
d’entraver la liberté d’aller et venir d’un
diplomate, l’avocat général a requis « la
présomption d’innocence
 » ! En conséquence,
il demandait la remise en liberté
oubliant qu’une immunité diplomatique
peut être levée à la demande des autorités
judiciaires comme l’a admis, sur ce
sujet précis, le Quai d’Orsay, le 22 novembre
2004, en s’appuyant sans doute
sur la Convention de Vienne.

Par ailleurs, l’un des motifs du mandat
de dépôt était les sommes énormes des
transactions. ZTS Osos, société slovaque
de Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak
par laquelle ont transité les ventes
d’armes à l’Angola, devait 140 millions
d’euros au fisc au titre d’un redressement
fiscal. Mais ô surprise, Pierre-
François Veil, un des deux avocats de
Pierre Falcone, a produit une lettre de la
Direction Générale des Finances Publiques
(DGFIP), datée d’août 2009 adressée
à Gaydamak, qui explique qu’en raison
d’une irrégularité dans l’application
de la convention fiscale entre la France
et la Slovaquie, le redressement fiscal
a été réduit à 15 millions d’euros. Pour
ceux qui s’interrogeraient sur la nature
de l’irrégularité, il y a le secret fiscal !

Heureusement, la Cour d’appel de Paris
refusa, le 17 décembre, la remise en
liberté et renvoya Falcone, ses avocats
et le parquet général dans les cordes.
L’arrêt du président Christian Pers rappelait
méchamment que Falcone avait
été « opportunément » nommé en juin
2003 (dix ans après les faits) « en qualité
de ministre conseiller de la représentation
permanente angolaise auprès
de l’Unesco pour une activité couverte
selon lui par le secret diplomatique
 ».
C’est vrai qu’il serait intéressant de
connaître la contribution d’un marchand
d’armes auprès de l’Unesco, institution
internationale chargée de promouvoir la
paix pour l’éducation, la science et la
culture
 ». De plus, la cour a rappelé que
« les faits reprochés à Pierre-Joseph
Falcone sont antérieurs à sa nomination
par l’Etat angolais
 » et sont « sans
lien avec l’exercice de ses fonctions diplomatiques

 ».

Et pour enfoncer le clou, les magistrats
redoutaient une « fuite » du prévenu
qui, « ayant été condamné à une peine
importante en première instance
 », a
« désormais pleinement conscience de
la sanction encourue (...) et de l’absence
d’incidence de sa nomination
 » par
l’Etat angolais. Le risque de fuite est selon
eux « d’autant plus fort » qu’il a la
double-nationalité, « dispose de moyens
financiers conséquents, a diverses résidences
à l’étranger et entretient des relations
privilégiées avec des pays tiers
où il pourrait trouver refuge
 ». Une déroute
pour l’impunité diplomatique !

RdB

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 187 - Janvier 2010
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