Survie

Les deux gros sabots d’Alain Joyandet

(mis en ligne le 1er janvier 2010) - Odile Tobner

Dans une interview au journal Libération
du 24 juin 2008 Alain
Joyandet déclarait : « Il faut une
coopération qui marche sur ses deux pieds :
une coopération traditionnelle (santé, éducation,
aménagement) et une coopération
économique. Il faut renforcer l’influence
de la France, ses parts de marché, ses entreprises.
Ne pas avoir peur de dire aux Africains qu’on veut les aider, mais qu’on
veut aussi que cela nous rapporte.
 » Libération :
« C’est un langage d’entrepreneur... »
et Joyandet de répondre : « C’est ce que je
suis.
 » […] [1]

Alain Joyandet : « Ne pas avoir peur
de dire aux Africains qu’on veut les
aider, mais qu’on veut aussi que cela
nous rapporte.
 »

En effet, Alain Joyandet est l’actionnaire
principal de Mediatour qui, par sa filiale
Yachting Selection, dont la gérante est sa
propre fille, commercialise les bateaux de
Bavaria Yachtbau, deuxième constructeur
européen de bateaux de plaisance. Le
catalogue de ces bateaux indique l’utilisation
de bois précieux, iroko, acajou,
dans leur construction et leur décoration.
L’iroko est classé comme essence « quasi
menacée
 » selon l’Union mondiale pour
la nature (UICN) [2]. Quant aux essences
regroupées sous le nom générique d’acajou,
plusieurs sont « vulnérables » ou « en
danger
 », voire « en danger critique d’extinction
 » selon l’UICN [3]. Le pied dans le
sabot « économique » d’Alain Joyandet
ne craint pas de contribuer à la dégradation
de la forêt équatoriale africaine, dont
le choeur des pleureuses officielles conduit
par Sarkozy lui-même, prétend s’ériger en
défenseur à Copenhague.

Business is business !

L’autre sabot, « traditionnel », n’est guère
plus léger. Sur son blog [4], le mercredi
16 décembre 2009, Alain Joyandet, maire
de Vesoul, se félicite que l’hôpital de sa
ville, en voie de modernisation, ait expédié
« près de 50 lits d’hospitalisation, tables,
chaises, fauteuils de malade, appareils divers
et lits bébé
 » à l’hôpital Saint-Jean
de Malte à Njombé au Cameroun.Ce geste écologique de recyclage de matériels,
grâce aux Africains, doit en effet être
salué comme il se doit. L’ambassadeur de
l’Ordre de Malte au Cameroun Jean-Christophe
Heidsieck ne craint pas lui de mettre
les deux pieds dans le même sabot, puisqu’il
est également actionnaire de la société
des plantations de Njombé. On pressure
la main-d’oeuvre d’une main, on essaie de
la faire durer de l’autre. C’est de l’intérêt
bien compris, tout compte fait.

Odile Tobner

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 187 - Janvier 2010
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