Survie

Les inquiétudes du général Lafourcade

(mis en ligne le 1er janvier 2010) - Raphaël de Benito

Le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda inquièteraitil certains officiers français ayant servi au Rwanda ? Avec cette normalisation, craignentils d’assumer, seuls, les errances catastrophiques de la politique africaine de la France qui ont conduit à soutenir, en 1994, un régime génocidaire ?

C’est le sens de l’interpellation publique du général Lafourcade, commandant de l’opération Turquoise en 1994, à l’adresse de Nicolas Sarkozy publiée quelques jours après l’annonce officielle (marianne2. fr, 15 décembre) : « Il est normal d’exiger beaucoup des militaires, mais ils ne peuvent être les victimes désignées et muettes de jeux diplomatiques, voire d’une réal politik. Il revient alors aux hommes politiques de prendre leurs responsabilités, y compris pour assumer le passé », « la question que l’on peut légitimement se poser est : à quel prix, ce rétablissement s’opère-t-il pour les soldats français ? »

Les suggestions du général

Lafourcade, amer et inquiet : «  En effet, si les déclarations officielles accompagnant cette décision importante vantent les mérites du régime actuel de Kigali, elles font le silence sur les graves mises en cause de l’action des militaires français ayant servi au Rwanda », « Ces mises en cause sont récurrentes : plaintes déposées en 2005 devant le Tribunal aux Armées de Paris par des Rwandais pour « complicité de génocide » [ndlr : Survie est partie civile] (…). Alors même que de nombreux militaires ont été longuement entendus par la Brigade criminelle en qualité de témoins, aucune suite procédurale n’a été donnée aux plaintes de 2005 qui semblent être toujours en cours d’instruction. Plus de quatre ans après, les militaires concernés s’interrogent sur les délais de cette procédure dont ils demandent l’aboutissement. Mais la presse, française et internationale, rappelle régulièrement l’existence de ces plaintes, relayant ainsi publiquement ces soi-disant charges de « complicité de génocide » (...). Suggère-t-il à Nicolas Sarkozy qu’il serait préférable de clore une instruction trop lente et qui n’instruit plus ?

Concernant la lenteur de l’instruction, on ne peut qu’approuver le général Lafourcade en s’interrogeant, néammoins, sur les motifs d’une telle lenteur. Mais contrairement à ce qu’il écrit, l’instruction est toujours en cours, avec des avocats qui produisent des actes et réclament des pièces.

Aussi suggérons-nous, afin d’accélèrer la procédure, la levée du secret défense sur tous les documents relatifs à cette période mais aussi l’augmentation des moyens humains et matériels destinés à l’instruction. Pas sûr que Lafourcade nous suive dans ces revendications.

RdB

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