Survie

Le Crédit Agricole, premier soutien financier de Total

rédigé le 3 mars 2023 (mis en ligne le 20 juin 2023) - Survie Nantes

La campagne internationale StopEACOP, qui regroupe plus de 260 organisations dans le monde contre le méga-projet pétrolier de Total en Ouganda et en Tanzanie, vise en partie les soutiens financiers de la multinationale, y compris en France. Alors que le Crédit Agricole affirme dans les médias qu’il ne finance pas de nouveau projet pétrolier (Le Figaro, 6/12/22), sa filiale Amundi reste le premier actionnaire de Total et a voté en 2022 son plan climat.

Pour mener à bien les projets d’oléoduc EACOP (East African Crude Oil Pipeline) et d’extraction pétrolière Tilenga dont elle est l’opératrice majoritaire, Total doit trouver 10 milliards de dollars. La mobilisation des organisations de la coalition StopEACOP rend très difficile le financement et l’assurance du projet. L’entreprise pourrait éventuellement s’auto-financer mais on peut supposer que ça ne serait pas considéré comme rentable par ses actionnaires. Fait inédit pour un projet pétrolier de cette ampleur, le lancement de son exploitation est annoncé pour bientôt alors que le montage financier n’est pas encore bouclé. Déjà 24 banques internationales, dont les 4 principales banques françaises – Crédit Agricole, BNP Paribas, Société Générale, Natixis – ainsi que 21 assureurs et réassureurs ont refusé de financer directement EACOP. En avril 2021, Les Échos titrait : « BNP, Société Générale et Crédit Agricole ne financeront pas le projet de Total en Ouganda ». Le Crédit Agricole semble chercher à se dédouaner à bon compte dans la mesure où, entre 2016 et 2021, il fut le premier soutien financier de Total avec plus de 7,1 milliards de dollars [1].

Hypocrisie

Un an plus tard, en effet, la banque française soutenait à nouveau Total. Selon l’ONG Reclaim Finance , « le 7 avril 2022, le géant français recevait un prêt revolver [2] (“Revolving Credit Facilities”) de 8 milliards de dollars arrangé par 3 banques françaises  : Crédit Agricole, BNP Paribas et Société Générale. Ce prêt est le soutien le plus élevé reçu par la major pétro-gazière depuis au moins l’Accord de Paris. Ce prêt n’étant pas dédié à un projet en particulier (“General Corporate Purposes“), il servira à financer l’intégralité des opérations de l’entreprise, y compris le déploiement de nouveaux projets pétro-gaziers. En soutenant financièrement l’entreprise, les banques pourraient ainsi contribuer à financer EACOP, le méga-projet pétrolier de TotalEnergies en Afrique de l’Est qu’elles ont pourtant refusé de financer directement [3]. »

Soutien indirect

Mais ce n’est pas tout. Amundi, qui est une filiale du Crédit Agricole, l’un des principaux gestionnaires d’actifs mondiaux et le 1er actionnaire de Total (10 %, 14 milliards d’euros [4]-), a voté les plans climat de Total en 2022. Cela constitue un soutien indirect du Crédit Agricole à la stratégie expansionniste de l’entreprise qui permet les projets EACOP et Tilenga. Si le vote lors de l’Assemblée Générale de 2021 pouvait s’interpréter comme une salutation de la consultation des actionnaires sur la stratégie climatique de la major, celui de 2022 est contraire aux engagements d’Amundi, signataire d’une tribune coordonnée par le Forum pour l’Investissement Responsable [5] qui présente les conditions attendues pour approuver les plans climats de grandes entreprises, conditions non remplies par le plan climat 2022 de Total. De plus, Amundi, membre de la Net Zero Asset Managers, s’est engagé à suivre le scénario zéro émission nette à horizon 2050 de l’Agence Internationale de l’Énergie, qui exclut le lancement de tout nouveau projet pétrolier.Tous les actionnaires de Total n’ont pourtant pas suivi. Le Crédit Mutuel a choisi de voter contre le plan climat de 2022, écrivant alors : « Le rapport Sustainability & Climate – Progress Report 2022 de TotalEnergies prévoit une forte augmentation de la production d’hydrocarbures sur 2019- 2030 [6] ».

Greenwashing

À en croire la rubrique « Donner du sens à votre épargne » du site d’Amundi, l’entreprise est un « gestionnaire engagé » et « finance des entreprises solidaires ». Pourtant, en novembre 2022, le gestionnaire d’actifs a été épinglé pour greenwashing par un consortium de dix grands médias européens dont Le Monde. L’enquête révèle la présence de Total dans des fonds déclarés durables par Amundi. Le groupe Crédit Agricole, en finançant Total sans regard sur l’utilisation des fonds, contribue à la stratégie de recherche de cette dernière symbolisée par son nouveau nom TotalEnergies et sa communication sur les énergies renouvelables.
Survie Nantes

Survie est partie prenante d’une campagne menée depuis novembre 2022 qui vise à rompre le soutien financier du Crédit Agricole envers EACOP. Elle vise également à ce qu’ Amundi vote contre le plan Climat lors de l’Assemblée générale de TotalEnergies le 26 mai 2023. Cette campagne se traduit par des actions d’information du public et l’interpellation des client.es, des employé.es et des directions du Crédit Agricole et d’Amundi. Des actions ont lieu régulièrement devant des agences du Crédit Agricole à Bordeaux, Lille, Nancy, Nantes, Paris, Poitiers, Rouen, Saint-Nazaire, Strasbourg…

[1Voirbankingonclimatechaos.org/#fulldata-panel, puis dans « view by company » sélectionner TotalEnergies SE (consulté le 6/03/2023)

[2Un crédit « revolver » ou « renouvelable » est un type de crédit à la consommation au taux d’intérêt généralement plus élevé qui met à disposition de manière permanente une somme d’argent, qui se recharge au fur et à mesure des remboursements, et qui peut se renouveler indéfiniment.

[3Communiqué de Reclaim finance, « Les banques françaises signent un nouveau chèque en blanc à TotalEnergies », 12/05/2022.

[4Bloomberg, 26/01/2023

[5« Le Say on Climate : un impératif de transparence pour un dialogue constructif », frenchsif.org 24/03/22.

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