Survie

Survie et Pierre Péan : mise au point

(mis en ligne le 3 décembre 2010) - Odile Tobner

Dans son livre qui vient de paraître, intitulé Carnages (Fayard), Pierre Péan développe des thèses aventureuses, notamment concernant Survie.

Le chapitre 2, « La Françafrique, un efficace écran de fumée » affirme ni plus ni moins qu’avec le concept de françafrique, destiné à discréditer la France et ses dictateurs protégés, Survie est au service des intérêts anglo-saxons.

Du reste son président, de 1988 à 1994, Jean Carbonare, décédé en 2009, « était en réalité un agent du British M 15. Son travail consistait essentiellement à prendre le contrôle de l’opinion nationale française ». Ce superman, pour ce faire, a disposé en tout et pour tout de quelques minutes dans un « 20 heures » d’Antenne 2 en février 1993. Admirons le tour de force.

Survie pour son action délétère « bénéficie de moyens financiers importants ». Nous sommes ravis de l’apprendre, nous qui nous arrachons les cheveux sur nos bilans et devons nos actions à l’inlassable dévouement de nos bénévoles. Notre très modeste association aurait réussi à gagner à ses vues la plupart des journalistes et toutes les ONG, qui ne jurent que par nous. Le sérieux de notre travail nous vaut en effet l’estime générale, mais sûrement pas la faveur des médias.

Pierre Péan réitère ses propos haineux contre François-Xavier Verschave comme figure, selon lui, de l’anti-France, président de Survie de 1994 à 2005, décédé en 2005, appelant à la rescousse Jacques Vergès, Hubert Védrine et citant l’article malveillant du Monde du 2-3 juillet 2005, ce qui réfute du même coup sa propre thèse de la faveur journalistique dont bénéficie Survie ; mais ce n’est pas la seule contradiction dont son livre fourmille. Cette attaque, caractérisée par sa lâcheté, n’exprime que le chauvinisme qui est la marque de la décadence.

Il persiste à prétendre que nous soutenons Paul Kagame, malgré les informations que nous avons toujours relayées au sujet des exactions du FPR, cela dès 1994 sous la plume de François-Xavier Verschave [1]. Mais il est vrai que nous sommes intransigeants sur la recherche de la vérité de l’implication française au Rwanda. C’est une question de salubrité nationale.

Laissons donc les thèses outrancières de Péan se réfuter d’elles-même par leur évident ridicule et méprisons ses propos malgré leur caractère injurieux qui ne déshonore que lui-même. Son livre n’apporte rien à part ses vociférations vagues, ses diffamations sur les Africains en résistance et ses obsessions ressassées.

Géopolitique à la petite semaine

Beaucoup de redites par rapport au précédent ouvrage Noires fureurs, blancs menteurs : Rwanda 1990-1994 paru en 2005. Mais Péan revendique cette filiation : Carnages est un ouvrage plus ambitieux de la façon dont l’auteur « revisite » à sa façon l’histoire du génocide. Il élargit son propos au Soudan, à l’Ouganda, au Congo, à sa découverte de l’Afrique dans sa jeunesse, etc., le tout épicé de thèses conspirationnistes où il mélange Américains, Britanniques et Israéliens.

En résumé, le génocide des Tutsi a été voulu par les Tutsi du FPR et par les Américains aidés des Britanniques et des Israéliens pour évincer la France du jeu diplomatique dans la région et … isoler le Soudan.

Au fil des pages, Péan sert aussi la soupe au prurit négationniste. Les moindres « ficelles » de cet auteur populiste ne sont pas les libertés qu’il prend avec les citations (souvent approximatives, apocryphes, douteuses, invérifiables, voire carrément mensongères), cherchant visiblement de nouvelles polémiques pour favoriser la vente de cet ouvrage fourre-tout.

[1Voir notamment * Génocide des Tutsi et négationnisme * France-Rwanda : les dessous d’un rapprochement * « On peut et on doit dénoncer les crimes de guerre commis par l’Armée patriotique rwandaise (APR) lors des conflits où elle a été successivement impliquée, au Rwanda (1990-1994, 1995 à Kibeho, 1997-1998) ou au Congo-Zaïre (1996-1997 et 1998-1999). En 1997, le massacre au Zaïre de dizaines de milliers de réfugiés hutus relève du crime contre l’humanité, imprescriptible. » François-Xavier Verschave, Noir Silence p.106-107

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 197 - décembre 2010
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