Survie

Coopération : nouveau ministre, même politique ?

(mis en ligne le 21 mars 2011) - Alice Primo

Le remaniement ministériel
de novembre dernier a
ressuscité le ministère de
la Coopération. Un mois et
demi nous auront suffi pour
établir la fiche de poste de
son nouvel occupant, Henri
de Raincourt.

Un mini-scandale autour de
l’obtention illégale d’un permis
de construire avait contraint le
secrétaire d’Etat à la Coopération Alain
Joyandet
à démissionner, début juillet
2010. Il n’avait pas été remplacé, ses
attributions et ses collaborateurs passant
directement sous la houlette de Kouchner,
alors ministre des Affaires étrangères.

Avec le remaniement de mi-novembre,
on a vu réapparaître une fonction de
ministre de la Coopération, sous tutelle
de la nouvelle ministre des Affaires
étrangères, Michèle Alliot-Marie. Elle
est occupée par Henri de Raincourt, ex-ministre
des relations avec le Parlement
dans le précédent gouvernement et,
encore avant, ex-président du groupe
UMP au Sénat.

Compétences recherchées : aucune

Alain Joyandet avait admis ne rien
connaître à l’Afrique lors de sa
nomination. L’analyse de l’activité
parlementaire de son successeur ces
cinq dernières années indique que, à part
sa participation à la Commission des
Finances du Sénat, où il voyait a priori
passer les grilles budgétaires de l’aide
au développement et des opérations
militaires extérieures, il ne semble
avoir aucune attirance ni compétence
pour les questions dont il a maintenant
la responsabilité.

On trouve certes une
proposition de résolution déposée au
Sénat en octobre 2005, demandant la
création d’une commission d’enquête
sur l’immigration clandestine, dont
l’exposé des motifs fait l’éloge
d’« une politique volontariste et
décomplexée : une immigration choisie
par un contrôle rigoureux des entrées
étant le légitime pendant des mesures
tendant à une intégration réussie
 ».

Les
demandeurs de visas et les sans-papiers
apprécieront.

Mission : développer la coopération-business

Comme son prédécesseur, Henri de
Raincourt ne perd pas de vue que la
coopération peut ouvrir des marchés
aux entreprises, notamment grâce aux
partenariats public-privé qu’il défend :
« Il ne faut donc pas s’enfermer dans
des stéréotypes. Il faut au contraire
ouvrir toutes les possibilités pour
financer le développement qui est une
nécessité absolue pour l’Afrique, qui je
le rappelle, a aujourd’hui 800 millions
d’habitants et qui en aura 2 milliards
en 2050
 » (RFI, 23 décembre).

On reconnaît là le résultat d’une
formation efficace par son directeur
de cabinet, qui n’est autre que Luc
Rigouzzo, qui était jusqu’alors
directeur général de la PROPARCO,
la filiale de l’AFD spécialisée sur
l’investissement privé.

Celui-ci déclarait le 22 octobre dernier
à Genève : « L’Afrique est aujourd’hui
dans la même dynamique
que la Chine il y a vingt ans. Une
classe de consommateurs solvables
est en train d’émerger. Il faut cesser
de voir l’Afrique comme un simple
réservoir de ressources naturelles,
car le potentiel de ce continent, c’est
la population africaine elle-même. Avant
2040, un sixième des Africains disposeront
d’un pouvoir d’achat annuel supérieur à
1 700 milliards de dollars
 ».

Conditions : fréquents voyages en Françafrique

Enfin, comme son prédécesseur, de
Raincourt se contrefiche pas mal du respect
des Droits humains et de la démocratie par
les chefs d’État avec lesquels il s’affiche
tout sourire. Son premier voyage officiel
en Afrique a ainsi été à Bangui, pour le
cinquantenaire de l’indépendance de la
Centrafrique le 1er décembre. Après avoir
été reçu par François Bozizé, qui s’apprête
à organiser des élections sur mesure pour ne
pas lâcher son fauteuil de président-dictateur
,
il a blanchi ce dernier dans
ses déclarations à la presse : « Il y a une
Commission électorale indépendante
(CEI), les dates des élections sont connues,
le nombre des candidats est à peu près
connu, je crois aussi. Et donc, il me semble
qu’une campagne électorale comme elle
se déroule en France, aux Etats-Unis
ou partout ailleurs où la démocratie est
le système politique en vigueur, peut
maintenant s’engager
 ».

Son deuxième voyage a été au Burkina
Faso
, du 10 au 12 décembre, là aussi pour
les commémorations du cinquantenaire
de l’Indépendance. La rencontre avec le
président-dictateur a cette fois eu lieu après
l’élection présidentielle, puisque c’est en
novembre dernier que Blaise Compaoré
s’est bricolé un score soviétique de 80%
(Billets d’Afrique n°197, décembre 2010)
.

C’est pendant ce voyage, la veille du 12ème
anniversaire de l’assassinat du journaliste
Norbert Zongo et de ses compagnons, une
date symbolique pour toutes les forces
progressistes burkinabé, qu’il s’est permis
de donner des leçons de démocratie à
Laurent Gbagbo.

Il aura fallu attendre l’investiture du
président guinéen nouvellement élu, le
21 décembre, pour offrir au nouveau
ministre l’occasion d’un voyage moins
françafricain (Alpha Condé, qui a remporté
l’élection présidentielle avec 52% des
voix, n’était a priori pas le candidat auquel
l’Elysée était le plus favorable...), même
si on imagine mal son directeur de cabinet
ne pas profiter de ce passage à Conakry
pour s’affairer au profit des entreprises
françaises.

Déformation professionnelle.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 198 - Janvier 2011
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