Survie

La Tunisie avant la profusion d’envoyés spéciaux sur le terrain

(mis en ligne le 7 février 2011) - Jean-Sébastien Mora

La tentative du régime d’assassiner
à l’arme à feu le journaliste du
Monde diplomatique, Riadh Ben
Fadhl, en 2000 et le tabassage à Tunis de
Christophe Boltanski de Libération en
2005 avaient échaudé la profession.

Par
ailleurs, au fil des années les services du
président Zine el-Abidine Ben Ali avait
associé à la répression politique, un vrai
désir de contrôler l’information.

Pour qu’un
journaliste français enquête en Tunisie, il lui
fallait obtenir une autorisation de la fameuse
agence de communication extérieure. Avec
ce laissez-passer, les journalistes n’étaient
pas libres pour autant puisque la police en
civil les suivait en permanence.

Ainsi ces
cinq dernières années, sur le terrain mis à part
une poignée de reporters et d’universitaires
courageux, ils n’étaient pas nombreux relayer
les dessous obscurs du « miracle économique
tunisien
 ». Fruit d’un long travail, le
journaliste tunisien, Kamel Libidi, dévoilait,
en 2006, dans le Monde diplo, la longue
descente aux enfers de la Tunisie.

Cependant,
que cela soit lors des émeutes de Gafsa en
2008 ou pendant l’épisode judiciaire du
journaliste de la presse spécialisée française
étaient rédigés depuis l’hexagone. « Sidi
Bouzid, un tas de villages assemblés autour
d’une artère de 3 kilomètres est si moche
qu’on a envie de se flinguer à chaque matin
que le bon seigneur nous ramène
 » écrivait
ce même Ben Brick.

Le 17 décembre, l’acte
désespéré de Mohamed Bouzizi provoque
une détonation. A cette époque, les dépêches
de l’AFP et de l’Associated Press constituent
quasiment l’unique source d’information
de la presse française. De ce qui se déroule
vraiment dans le centre de la Tunisie, on sait
finalement assez peu de choses.

Donc pour
savoir, il faut y aller. Fin décembre, je me
rends pour y rencontrer des chefs de file de
la contestation, qu’ils soient enseignants,
avocats ou journalistes. Le 6 janvier, la
police présidentielle m’arrêtera brutalement
à Kairouan, à quelques kilomètres de Sidi
Bouzid.

Jusque là, les services de Ben Ali
n’étaient pas parvenus à faire le lien entre
moi et les reportages qui apparaissaient dans
la presse française. J’étais passé inaperçu
alors que mon travail ne s’est pas cantonné
à interroger les passants sur l’avenue
Bourguiba et que j’étais en contact avec
des militants très surveillés.

J’ai juste fait en
sorte de m’habiller local, le bonnet rivet sur
la tête, me déplacant à pied, dormant dans
les hôtels les plus bas de gamme de Tunis et
côtoyant beaucoup d’algériens en transit vers
la Lybie. La police ne me cherchait vraiment
pas là. Très amère, elle m’obligera à quitter
le territoire dès le lendemain. Des lors, très
réactif, les responsables de l’ambassade de
France ont constitué un soutien précieux.

Aux
alentours du 10 janvier 2010, Camille Estève,
envoyée spéciale du Journal du Dimanche,
sera le premier journaliste française à se
rendre à Sidi Bouzid.

Une semaine plus tard,
la fuite de Ben Ali signera la fin de l’agence
de communication extérieure et donc,
l’arrivée massive de journalistes venu suivre
la « révolution de Jasmin ».

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 199 - février 2011
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