Survie

La jurisprudence Denis Robert

(mis en ligne le 3 mai 2011) - Alice Primo

Le 3 février, la Cour de cassation
a consacré la victoire finale de
Denis Robert et de son éditeur Les
Arènes sur la Chambre de compensation
luxembourgeoise Clearstream, au terme
de dix ans de harcèlement judiciaire et
médiatique : si 600 journalistes avaient
envoyé leur carte de presse en soutien, de
puissants médias s’étaient fait le relais
d’une cabale visant à discréditer un travail
d’investigation que la justice reconnaît
aujourd’hui comme sérieux.

Clearstream
se prétendait diffamée par le travail du
journaliste, qui avait notamment mis en
lumière un système de comptes officieux
et de comptes non publiés permettant « le
blanchiment d’argent, en passant par le délit
d’initié, la corruption ou l’évasion fiscale
 »
voire des activités de nature criminelle.

Elle avait multiplié les procédures à son
encontre, pour presque chaque nouvel
article ou interview, ne visant pas forcément
la condamnation mais plutôt l’étouffement :
le principe même de poursuites-bâillons,
que subissent de nombreux lanceurs
d’alertes (comme les chercheurs Christian
Vélot sur les OGM ou Pierre Méneton sur
la surconsommation alimentaire de sel) et
les coauteurs et l’éditeur de l’ouvrage Noir
Canada, poursuivis par la société minière
Barrick Gold qui s’estime diffamée par la
description qui est faite du pillage de l’or
en Afrique.

Cette victoire de Denis Robert
et de ses soutiens est donc une victoire du
journalisme et de la liberté d’expression
sur des adversaires aussi puissants que
Clearstream, qui devra vraisemblablement
s’acquitter de « réparations » vis-à-vis du
journaliste (la Cour d’appel de Lyon devra
prochainement en fixer les modalités).

Mais en validant le travail de Denis Robert,
la Cour de cassation confirme (pour celles
et ceux qui s’étaient permis d’en douter)
les perspectives qu’ouvraient les ouvrages
« Révélation$ » (2001) et « La boîte noi­re » (2002).

Alors que les financiers ne
cessent de prétendre qu’il est impossible
de suivre les mouvements de capitaux,
et donc de les taxer et de les juguler,
Denis Robert a montré depuis dix ans que
les chambres de compensation sont des
lieux d’enregistrement et de traçabilité de
l’ensemble de ces flux : celles-ci permettent
en effet aux établissements bancaires et aux
institutions financières de se « compenser »
les montants dus les uns aux autres à la
suite de leurs transactions sur les différents
marchés de la planète, et gardent une trace
de ces mouvements de capitaux. Tout passe
par là, c’est donc là qu’il faut agir.

Alors qu’une coalition d’organisations du
monde entier vient de lancer depuis le FSM
de Dakar un appel au G20 pour « mettre fin à
l’opacité financière des paradis fiscaux
 » [1], il
y a là une piste de mise en œuvre concrète.

[1Signez l’appel « Mettre fin à l’opacité
financière des paradis fiscaux » sur www.g20stopparadisfiscaux.org

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 200 - Mars 2011
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