Survie

Mercenaires et chevaliers

rédigé le 1er septembre 2013 (mis en ligne le 10 septembre 2013) - Fabrice Tarrit

« Plus qu’un mercenaire, un chevalier ». C’est par ces mots que le Président du Conseil national des barreaux a choisi de saluer la mort de Jacques Verges, se joignant au concert de commentaires, tantôt flatteurs, tantôt acerbes ou critiques qui ont accompagné la disparition le mois dernier d’un avocat souvent présenté comme un héraut de l’anticolonialisme par ceux qui n’ont jamais daigné s’intéresser à son lourd passif françafricain. Un chapitre bien moins reluisant que les combats menés au service de l’indépendance de l’Algérie et de la défenses des opprimés.

Voir ce ténor du barreau célébré comme un « rebelle » ou un « chevalier » par ses pairs et par des journalistes ne peut donc que laisser un goût amer au sein de Survie, où Vergès demeurera celui qui a défendu les présidents Bongo, Déby et Sassou contre François-Xavier Verschave à l’occasion du célèbre « Noir Procès » de 2000, n’hésitant pas à user de tous les procédés de dénigrement admis à la barre pour ridiculiser le combat de l’association et de son président, allant jusqu’à commettre lui même un ouvrage commandé par l’Etat gabonais pour continuer à croiser le fer par plumes interposés. Un mercenaire, donc, au compte en banque (suisse) confortablement alimenté par les pires figures de la Françafrique tout au long de sa carrière.

Ce procès pour « offense à chef d’Etat », épisode si marquant dans la combat de Survie a curieusement été gommé par les chroniqueurs de la liste des faits d’armes de Vergès, ces derniers jugeant probablement le sujet insignifiant ou les clients de l’avocat pas assez infréquentables pour figurer dans la liste des « affreux » qu’il a soutenus. On s’étonnera, ou on feindra de s’étonner que parmi les dirigeants africains, seuls Laurent Ggagbo et Muhamar Kadhafi, tous deux renversés récemment par la France ou le général centrafricain Bozizé, présent le jour des obsèques, aient été cités par la presse française parmi les personnalités « douteuses » soutenues par Vergès. Exit donc les dictateurs tchadien, gabonais ou congolais, le Général Eyadema, l’officier congolais Norbert Diabira (un des principaux mis en cause dans l’affaire des disparus du Beach de Brazzaville, enfin mis en examen le 22 aoput 2013 alors qu’il coulait des jours tranquilles en France). En Françafrique, c’est bien connu, on ne devient infréquentable que lorsque l’on est destitué.

Inlassablement, chaque événement d’actualité lié aux dossiers françafricains nous rappelle combien la bataille de l’information est difficile à remporter et combien le combat de Survie est nécessaire. Face aux mercenaires et aux courtisans du système, Survie a en effet choisi depuis longtemps ses armes, la recherche de la vérité et la mobilisation citoyenne, qui ont permis de triompher devant les tribunaux, y compris contre des figures comme Jacques Vergès.

Billets d’Afrique, qui fête ce mois-ci ses 20 ans est l’instrument de prédilection de cette lutte collective. Fondé par François-Xavier Verschave, le bulletin de Survie n’a jamais baissé la garde. Il connaît aujourd’hui une évolution historique avec le départ de Raphaël de Benito de son poste de rédacteur en chef et l’arrivée aux commandes de Thomas Noirot et Mathieu Lopès, déjà bien connus des lecteurs de Billets. Quant à Odile Tobner, qui a exceptionnellement laissé la main sur ce numéro, soyons rassurés, elle ne tardera pas à venir ferrailler à nouveau dans ces colonnes, tantôt au fleuret moucheté, tantôt au canon !

Car tout chevaleresque qu’il soit le combat de Survie n’est pas prêt de connaître la paix des braves.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 227 - septembre 2013
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