Survie

L’ordre règne à Abidjan

(mis en ligne le 8 mai 2011) - Odile Tobner

La période 2000 - 2011 de l’histoire de la Côte d’Ivoire deviendra un cas d’école édifiant pour les futurs politologues africains. En 2000, Laurent Gbagbo arrive au pouvoir en battant le général Gueï, auteur du coup d’État qui chassa Bédié fin 1999. En 2002, une rébellion puissamment armée éclate.

Gbagbo est alors absent mais son ministre de l’Intérieur, Émile Boga Doudou, est assassiné. L’armée ivoirienne résiste à Abidjan et déloge les rebelles. Alassane Ouattara, se trouvant en danger, est exfiltré par l’armée française stationnée sur la base de Port-Bouet. Toute la partie nord du pays reste aux mains de divers chefs qui font régner leur loi par les armes, en lieu et place de l’État de droit.

En 2003, la France, par les accords de Marcoussis, essaie d’imposer la
participation des rebelles au gouvernement de Côte d’ivoire à des postes
clés. En vain. La France met en place l’opération Licorne dès 2002. L’ONU
crée, en 2004, le contingent de l’ONUCI. En 2004, l’effort de réunification
tenté par l’armée ivoirienne échoue avec l’étrange affaire de Bouaké, sur les
circonstances de laquelle Michèle Alliot-Marie, alors ministre des Armées,
refusera obstinément plus tard de lâcher la moindre information. C’est toutefois le prétexte pour un assaut de l’armée française, qui tire sur les manifestants à Abidjan. Par la suite, pressions et négociations amènent Laurent Gbagbo à prendre Guillaume Soro, chef de la rébellion, comme Premier ministre en 2007. Les accords de Ouagadougou sont censés permettre l’organisation d’une élection présidentielle mais leurs dispositions ne seront jamais appliquées dans le Nord de la Côte d’Ivoire, qui reste sous le contrôle des armes des chefs de guerre.

L’élection a enfin lieu, en novembre 2010, immédiatement suivie d’un contentieux sur les conditions de son déroulement et sur les résultats. Ce contentieux est balayé par la France, l’ONU, les États-Unis, qui se lancent dans une guerre contre Laurent Gbagbo. L’ONU compte les victimes, qui atteindront quelques centaines en quatre mois, tandis qu’un « commando invisible », commandé par Ibrahim Coulibaly, dit IB, ancien chef de la rébellion, supplanté par Soro en 2004, se retranche dans le quartier d’Abobo à Abidjan et harcèle les forces de défense fidèles à Gbagbo. Devant l’impossibilité d’obtenir une intervention africaine, la France, avec l’aval du conseil de sécurité de l’ONU, qui l’autorise à « détruire les armes lourdes qui tirent sur la population », prend d’assaut, le 6 avril, avec des chars et des hélicoptères, la résidence de Gbagbo, qu’elle livre aux Forces républicaines, ancienne rébellion.

Depuis le début du mois d’avril, la crise en Côte d’Ivoire atteint son paroxysme. Alors que l’armée ivoirienne se replie partout et cesse le combat, la soldatesque de Soro et de Ouattara, chefs des Forces républicaines, se livre, dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, à des massacres de masse à caractère ethnique et, à Abidjan, à des exécutions sommaires des partisans, réels ou supposés, de Gbagbo. On tire à l’arme lourde sur le quartier censé abriter les dernières résistances. L’ONU n’entend rien et ferme les yeux sur les innombrables victimes, qu’elle se contente d’évaluer à un millier. Laurent Gbagbo et ses proches, après avoir subi un traitement ignominieux, sont séquestrés dans des localités du Nord, sous la
coupe des commandants de zone. On annonce que les journaux reparaissent, sans préciser que le local de Notre voie, proche du Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo, a été entièrement mis à sac et incendié.

Aux dernières nouvelles Soro a enfin réussi à se débarrasser de son rival
Ibrahim Coulibaly. Tout est normal. Tirons le rideau.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 202 - Mai 2011
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