Survie

Le général Tauzin s’en prend à Survie

(mis en ligne le 6 juin 2011) - Raphaël Doridant

Sur le blog de Jean Guisnel,
du Point, le général Didier
Tauzin donne libre cours à sa
rancoeur contre Survie. Il prétend dans
son livre Rwanda, je demande justice
pour la France et ses soldats, qu’il
« explique[r] la stratégie de conquête
du Rwanda par Kagamé et ses soutiens
[sans omettre] le soutien que lui a
apporté l’association française Survie
qui, depuis 1989, désinforme l’opinion
française et travaille activement contre
la France et son armée, en participant
à la rédaction du rapport Mucyo,
publié à l’été 2008 par Kigali, rapport
qui n’est qu’un tissu de calomnies.
Cette association tente de nouveau,
ces jours-ci, de mobiliser des élus en
prétendant mettre au jour des crimes
qui auraient été, selon elle, commis
par la France et son armée. Or, les
responsabilités françaises dans cette
affaire sont imaginaires
[...] ».

Didier Tauzin, alors colonel, servit au
Rwanda de 1990 à 1993. Il commanda
en particulier l’opération Chimère
(février-mars 1993) qui avait pour but
de voler, une fois de plus, au secours
des Forces armées rwandaises (FAR)
incapables de résister seules à une
nouvelle offensive des troupes du Front
patriotique rwandais (FPR).

Quelques
semaines auparavant, le 24 janvier
1993, Jean Carbonare, alors président
de Survie, avait parlé au journal de
20 heures de France 2 de « purification
ethnique, génocide, crime contre
l’humanité
 » pour décrire la politique
du régime Habyarimana à l’encontre
des Tutsi... Il aurait suffi à ce momentlà
que les autorités françaises disent au
président Habyarimana : « Ce que vous
avez en tête, c’est non
 », pour qu’il n’y
ait pas de génocide.

Mais ce n’est pas ce qu’ont fait François
Mitterrand et ses gouvernements
successifs de 1990 à 1994 (ceux de
Michel Rocard, Edith Cresson, Pierre
Bérégovoy et Edouard Balladur déjà aux
affaires en 1993). Bien au contraire, ils
ont soutenu militairement, en envoyant
des troupes commandées entre autres
par le colonel Tauzin, un régime qui sans
cet appui se serait effondré. Pourtant,
nos dirigeants étaient conscients de la
possibilité d’un génocide des Tutsi dès
1990. Nos officiers intégrés à l’armée
rwandaise – dont le colonel Tauzin – étaient aux premières loges pour en
constater les préparatifs.

Mais surtout, une fois le massacre
des Tutsi déclenché, nos dirigeants
ont poursuivi leur alliance avec
ceux qui le perpétraient, jusqu’à les
évacuer au Zaïre, dans le cadre de
l’opération Turquoise, une fois qu’ils
eurent été vaincus par les troupes
du FPR. Commandant du secteur de
Gikongoro pendant Turquoise, Didier
Tauzin ne peut ignorer que l’affichage
« humanitaire » de cette opération
masquait d’autres objectifs.

Quant aux crimes commis par les
troupes du FPR, dénoncés en leur temps
par Survie, ils ne sont comparables
ni dans leur intention, ni dans leur
ampleur avec le génocide des Tutsi dont
les autorités françaises sont complices.
Survie n’a pas eu besoin de participer
à la rédaction du rapport Mucyo publié
à l’été 2008 : c’est depuis 1993 qu’elle
a, avec d’autres, rendue publique
l’implication française au Rwanda.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 202 - Mai 2011
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