Survie

Canada : le paradis sous terre

(mis en ligne le 6 septembre 2011) - Alain Deneault, William Sacher

L’industrie extractive
mondiale et le havre
canadien des minières
françaises.

Les affres de la législation canadienne
ont des répercussions partout sur la
planète. Les sociétés inscrites dans
ce havre minier sévissent en Amérique
latine, en Afrique, en Asie, en Europe de
l’Est et même dans les DOM-TOM français
(ce fut le cas du projet aurifère à Kaw en
Guyane française). Le Canada leur offre sa
couverture et son soutien au plan politique,
économique, juridique et moral, ce malgré
les accusations qui pèsent sur elles dans une
documentation internationale fort connue :
corruption, évasion fiscale, destruction
d’écosystèmes, expropriations meurtrières,
financement de guerres civiles, etc.

Le Canada, paradis judiciaire du secteur minier

La Bourse de Toronto constitue la plateforme
financière et réglementaire de prédilection
de cette industrie. À partir de là, des projets
miniers sont conduits à travers le monde.
Les sociétés minières canadiennes peuvent
explorer et exploiter les minerais avec une
rentabilité maximale, malgré d’irréver­
sibles impacts psycho-socio-économico-
cultu­rels rangés négligemment au rang des
« externalités ». C’est en ce sens qu’il faut
comprendre l’importance de la juridiction
canadienne aujourd’hui.
À l’image des paradis fiscaux, le Canada
se révèle un véritable paradis judiciaire et
réglementaire du secteur minier.

L’Europe et la France sont directement
impliquées dans cette exploitation minière.
Nombre de projets miniers financés par
la Banque Européenne d’investissement,
ou encore des agences de financement
française telles que l’AFD et sa filiale
Proparco, ont été à l’origine développés
par des sociétés d’exploration canadiennes
(les fameuses juniors).

12 000 tonnes d’uranium par an pour la France

Les économies européennes, et celle de
la France en particulier, sont hautement
dépendantes de l’exploitation de minerais
à grande échelle, basé sur le modèle de la
méga-exploitation minière (mines à ciel
ouvert, gisements de faible concentration,
etc.). L’Union Européenne est d’ailleurs
fort préoccupée à sécuriser son accès
à ces minéraux. En 2008, elle a adopté
l’Initiative sur les matières premières, une
stratégie commerciale qui poursuit ce but,
n’excluant pas, le cas échéant, de recourir à
la force pour l’atteindre. La France, un des
plus gros consommateurs de minerais en
Europe, importe la majeure partie de son
cuivre, aluminium, cobalt, nickel, zinc, fer,
ses métaux plus rares comme ceux du groupe
platine, ou encore le tantale, le niobium,
le lithium, etc. Mais qu’elle les importe
de l’étranger ne signifie bien sûr pas que
les capitaux français soient étrangers à
leur exploitation, nécessaire à tous les
sec­teurs de notre économie :
agriculture, construction, trans­
ports, électronique. Rappelons
également que la production
d’électricité en France implique
l’importation par Areva de
12.000 tonnes d’uranium par an
(principalement en provenance
du Kazahkstan, du Canada et
du Niger).

L’accès de la France à une grande
partie de ces ressources minérales
d’importance tant d’un point
de vue économique que géostratégique,
est conditionné en grande partie par une
prédation globalisée dans laquelle le
Canada, en tant que juridiction hôte, joue
un rôle prédominant. Ainsi, si le paradis
judiciaire canadien n’existait pas, des
secteurs entiers de l’économie française
ne pourraient être ce qu’ils sont.

Une prédation globale

Près de 75% des sociétés minières de la
planète sont en effet enregistrées au Canada,
et la Bourse de Toronto est le marché
financier privilégié des juniors, sociétés
qui se financent à partir de capital-risque.
Étant donné l’importance de ces dernières
dans la découverte de nouveaux gisements,
le modèle canadien d’exploitation des
ressources minérales tend à se généraliser
à l’échelle de la planète et est appelé à
jouer un rôle de plus en plus important
dans l’approvisionnement des puissances
occidentales en matières premières. Ces
sociétés juniors sillonnent la planète,
particulièrement les zones de la périphérie
économique dont l’Afrique, à la recherche
de nouveaux gisements rentables et au
profit de capitaux venant du monde entier,
y compris de sociétés publiques comme
Areva. Cette prédation économique et les
désastres environnementaux et sociaux
qui l’accompagnent ne sont donc pas une
« affaire canadienne », ni surtout « l’affaire
des canadiens
 » : ce sont les résultats d’une
internationalisation du pillage et de la
criminalité économique qui, en Afrique,
conjuguent donc désormais les réseaux
d’influence françafricains et ces circuits
économiques canadiens.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 204 - Juillet Août 2011
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