Survie

La palme des poursuites en diffamation pour Bolloré

(mis en ligne le 3 octobre 2011) - Alice Primo

A un mois de l’élection présidentielle bidon au Cameroun, le groupe Bolloré s’en prend à nouveau aux journalistes qui ont eu le toupet d’évoquer ses activités au royaume de Paul Biya.

Le reporter Benoît Collombat de France Inter et l’ex-journaliste de Rue 89, David Servenay, ainsi que son directeur de publication, Pierre Haski, sont poursuivis en diffamation par le groupe Bolloré. Pour Benoît Collombat, c’est la seconde fois.

Leurs articles respectifs sur les plantations camerounaises de la Socapalm, pour­ tant publié il y a plus de huit mois, en décembre 2010, faisaient état d’une procédure engagée par quatre ONG auprès de l’OCDE. Celles-ci dénonçaient des pratiques sociales et environnementales scandaleuses dans ces plantations de palmiers à huile et les imputaient au groupe Bolloré.

Bolloré

Si les médias, à de rares exceptions près, semblent avoir eu peur de traiter le sujet, les deux articles incriminés, susceptibles de porter « atteinte à l’honneur ou à la considération de la société Bolloré », sont de trop pour un entrepreneur si bien en cour chez l’autocrate Biya.

Comme Billets d’Afrique l’avait relaté, le groupe Bolloré qui nous a déjà adressé deux droits de réponse, a adopté une nouvelle stratégie vis-à-vis de la presse, usant de procédures judiciaires dès que des enquêtes journalistiques dénoncent, à tort d’après lui, certains aspects de ses activités africaines florissantes.

Actionnaire minoritaire : petit mais costaud !

Les ONG qui accusent Bolloré considèrent en effet que le groupe, bien qu’actionnaire minoritaire, est en position de contrôler la Socapalm malgré des montages financiers complexes. Il faut dire que celui-ci a souvent argué de ses participations en cascade pour se présenter comme « actionnaire minoritaire » de la Socapalm, et donc implicitement irresponsable de ce qu’il peut s’y passer...

Pourtant, la note publiée par la Socapalm elle-même en vue de sa capitalisation boursière, fin 2008, précisait que l’actionnaire largement majoritaire (70%) de ces plantations était « la société PALMCAM (...) elle-même détenue à 63,72% par le Groupe INTERCULTURES/ SOCFINAL (groupe Fabri / Bolloré) ». Intercultures et Socfinal, rebaptisées depuis Socfinaf et Socfin, sont des holdings qui détiennent des parts dans différentes plantations industrielles en Afrique et en Asie, et dont le siège est basé au Luxembourg... un paradis fiscal à deux heures de Paris, bien pratique pour rapatrier de juteux profits.

En les définissant comme le « groupe Fabri/ Bolloré », du nom des deux familles intriquées dans leur administration, la Socapalm confirme ce qu’écrivait la journaliste Martine Orange dans Mediapart, en février 2009 : avec ses 39% (à l’époque), Bolloré a certes une position d’actionnaire minoritaire dans ces deux sociétés, mais de poids car face à lui Fabri ne détient pas non plus la majorité.

Quant au président du conseil d’administration de la Socapalm, Claude Juimo Monthe, ex-président de la Chambre de Commerce nationale et qui a, selon les médias camerounais, «  souvent été délégué du Comité central du parti présidentiel » (c’est-à-dire la machine politique du dictateur Paul Biya), il s’est vu offrir en 2010 un siège de directeur dans le groupe de Vincent Bolloré.

Drôle de façon, pour ce dernier, de prendre ses distances avec cette encombrante société...

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 205 - septembre 2011
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