Survie

Power Corporation et Total : de l’Afrique à l’Alberta

(mis en ligne le 3 janvier 2012) - Alain Deneault

La domination des grands
groupes industriels
occidentaux en Afrique
apparaissait jadis comme
le prélude de risques qui
planaient sur les États du
Nord. Elle est aujourd’hui le
franc reflet spéculaire d’une
domination qui a cours selon
la même méthode dans toutes
les régions du monde.

Trouvé parmi les câbles diplo­matiques diffusés sur le site
Wikileaks, cet envoi daté du
7 janvier 2010, émis par le consulat des
États-Unis à Montréal, à propos des
investissements de Power Corporation
,
groupe appartenant à la famille Desmarais,
dans l’industrie fort controversée des sables
bitumineux canadiens, via Total.

L’empire
québécois est le plus important actionnaire
de Total (4,5 % des parts), indique le consul
montréalais des États-Unis en rappelant la
présence de Paul Desmarais Jr au sein du
conseil d’administration de l’entreprise.

Le document diplomatique s’enquiert
avec insistance de l’influence qu’a Power
Corporation au Canada sur les médias,
d’une part, et sur le milieu politique, d’autre
part. Pourquoi, se demande-t-on, le Premier
ministre du Québec a-t-il subitement
interrompu la critique qu’il servait au
gouvernement fédéral canadien, lors de son
passage à la Conférence environnementale
de Copenhague en décembre 2009, à
savoir que ce dernier ne met pas en œuvre
les politiques nécessaires pour réduire
l’émission de gaz à effet de serre ?

Est-ce parce que le quotidien La Presse de
Montréal, que Power Corporation détient, a
été prompt et virulent dans la dénonciation
de ses propos ? « Il est difficile de dire si
Charest se trouvait à agir en fonction [des
positions éditoriales] de La Presse ou s’il le
faisait en raison d’un tout autre facteur
 » ;
la question reste donc entière.

Oil Family - Au-delà des frontières, au-dessus des lois

On sait, par ailleurs, que l’empire médiatico-financier est très influent politiquement au
Canada et maintenant en France. Plusieurs
Premiers ministres du Canada proviennent
de l’écurie de Power Corporation, de
Pierre-Elliott Trudeau à la fin des années
soixante à Paul Martin en poste jusqu’en
2006, en passant par les longs règnes de
Brian Mulroney et de Jean Chrétien.

Par
ailleurs, Nicolas Sarkozy a déclaré de
Paul Desmarais Sr en 2008 : « Si je suis
aujourd’hui président, je le dois en partie
aux conseils, à l’amitié et à la fidélité de
Paul Desmarais
 », au moment de le décorer
de la grand-croix de la Légion d’honneur.

Forts de ces soutiens politiques, le câble
diplomatique estime que Total a investi
six milliards de dollars dans l’exploitation
des sables bitumineux de l’Alberta, une
province de l’Ouest canadien. Total
prévoit investir encore 20 milliards de
dollars dans le domaine. Dans son livre
intitulé Les sables bitumineux, la honte
du Canada
(Montréal : Écosociété, 2010)
,
Andrew Nikiforuk voit dans ce projet
d’exploitation une folie écologique, sociale
et économique. Les risques de pollution
sont réels tandis que les populations
s’exposent à de graves dangers. De surcroît,
les redevances que versent les minières à
l’État sont dérisoires.

« La mauvaise gestion des revenus miniers
a fait émerger en Alberta un État pétrolier
corrompu et intolérant, dont le système de
réglementation est une vraie farce.
 »

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 207 - novembre 2011
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