Survie

Djibouti - Wikileaks : des mercenaires en eaux troubles

rédigé le 13 décembre 2011 (mis en ligne le 1er février 2012) - Rafik Houra

Il y a un an, Wikileaks et
quelques partenaires de
la presse internationale
commençaient la publication
au compte-goutte de
télégrammes de la diplomatie
américaine. A l’occasion
de cet anniversaire, nous
revenons sur l’un des tout
premiers câbles publiés par
le New-York Times, indexé
09DJIBOUTI113.

Le 30 novembre 2010, on apprenait
ainsi les conditions dans lesquelles
Blackwater avait projeté de se lancer,
au printemps 2009, dans la sécurité maritime.
La sulfureuse société de mercenaires
américaine avait racheté puis équipé le MV
McArthur pour en faire un navire de chasse
au pirates somaliens et vendre ses services
d’escorte aux navires commerciaux.

Le journal américain révélait surtout le
mode opératoire prévu par les mercenaires :
« Blackwater n’a aucune intention
d’arrêter des pirates, mais utilisera la
force meurtrière contre les pirates si
nécessaire
 ».

Pas de quartier !

Il ressort du câble que Blackwater est
préoccupé à l’idée de faire des blessés
parmi les pirates : « Tout en affirmant que
le droit maritime international permet
l’utilisation de la force létale contre les
pirates, Blackwater reconnaît aussi la
nécessité de respecter les obligations
internationales en matière de Droits
de l’homme. Une préoccupation, par
exemple, est de savoir si Blackwater
serait responsable d’assister les pirates
blessés, si faire ainsi remettait en cause
la capacité de Blackwater à protéger
ses clients.
 » Pas de quartier !?

Malgré
ses méthodes expéditives, début février
2009, Blackwater obtient l’assentiment
d’Hassan Saïd Khaireh, le grand patron de
la sécurité du président djiboutien, Ismaïl
Omar Guelleh. Finalement, alors que des
plaintes pour discrimination raciale et
excès d’autorité à bord du patrouilleur
McArthur étaient déposées, Blackwater
aurait renoncé à se lancer dans la lutte
contre la piraterie.

Mais comme l’a
souligné le journaliste Nicolas Gros-
Verheyde sur son blog , le câble explique
que « pour les urgences médicales,
Blackwater a négocié l’accès à Bouffard,
l’hôpital militaire français de Djibouti
 »
et « Bruno Pardigon, directeur général
de la nouvelle Djibouti Maritime Security
Services (DMSS), fournira à Blackwater
un agrément
 ».

Le franco-djiboutien
Bruno Pardigon a en effet obtenu, par
décret présidentiel du 12 février 2009
– donc quelques jours après l’entrevue
du représentant de Blackwater avec
Khaireh -, que les demandes d’agrément
en matière de sécurité maritime soient
traitées par DMSS.

Un second câble,
09DJIBOUTI1333, de novembre 2009,
donne les nouveaux tarifs pratiqués : $5000
au lieu de $15000/mois pour un permis
d’armes en simple transit. Quant au statut
de DMSS, « Pardigon a facilement admis
que c’est une entreprise commerciale et
une opportunité pour faire de l’argent pour
lui et le gouvernement djiboutien, mais
il a été clair sur le fait qu’il n’est qu’un
intermédiaire pour le gouvernement. Tous
les permis et autorisations sont signés
du conseiller national pour la sécurité
du président de Djibouti, Hassan Saïd
Khaireh
. »

Interrogé sur le nombre de
licences délivrées, « Pardigon a déclaré
qu’il en délivre approximativement
quatre à cinq par mois
 », citant les
firmes anglo-saxones G4S, Secure West
et Trident Group.

À cette liste, selon
Intelligence Online (16 décembre 2010),
il faut ajouter Triskel. Enregistrée à
Londres et fondée en 2008 par Massimo
Cauci, un ancien légionnaire, cette société
emploie d’anciens nageurs de combat
français. Le bureau djiboutien de Triskel
est dirigé par Gilles Capelle, un ancien
du Centre Parachutiste d’Entraînement
aux Opérations Maritimes, une branche
du service action de la DGSE.

Pendant un
peu plus d’un an, un sergent de la marine
britannique, Craig Shaw, « dirigeait
une équipe de six hommes armés qui
embarquait sur les cargos des armateurs
clients de Triskel
 » avant de se retrouver à
la tête de l’antenne britannique de Saracen
International et travailler pour le compte
du gouvernement de transition somalien
et des autorités du Puntland.

Selon le
rapport du Groupe de contrôle sur la
Somalie et l’Érythrée du 18 juillet dernier,
suite à des contacts entre les dirigeants de
Saracen International et Blackwater, le
patrouilleur McArthur, rebaptisé Eaton
et un second navire, le Seafarer, sont
exploités par Saracen (Sarrazin – sic). En
2010, les deux navires opéraient à partir
de Djibouti, avec une licence accordé
par DMSS et des armes à bord louées au
gouvernement djiboutien.

Pour le Groupe
de contrôle, les activités de Saracen en
Somalie et au Puntland sont une violation
délibérée de l’embargo sur les armes en
Somalie et pourraient « créer la force
militaire locale la mieux équipée de
toute la Somalie
. »

Devant les pressions,
Saracen a finalement suspendu ses
programmes en Somalie et au Puntland.

Soutenez l'action en justice contre Total !
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 208 - décembre 2011
Les articles du mensuel sont mis en ligne avec du délai. Pour recevoir l'intégralité des articles publiés chaque mois, abonnez-vous
Pour aller plus loin
a lire aussi