Survie

Barril de poudre

(mis en ligne le 1er février 2012) - Raphaël de Benito

L’ex-gendarme du GIGN,
Paul Barril, a été omniprésent
dans le dossier rwandais.
D’après Patrick de Saint-Exupéry, « il est le pivot
d’une toile d’araignée entre
l’Elysée de Mitterrand et les
extrémistes qui commettront
le génocide
 ».

Depuis 1989, Paul Barril travaillait
pour la sécurité du président
Habyarimana. A la veille du 6 avril
1994, il est aperçu à Kigali, sur le tarmac
de l’aéroport puis au Burundi ; durant le
génocide il sera encore au Rwanda. Le
28 mai 1994, en plein embargo décrété
par l’ONU, il signe à Paris un contrat de
formation et de livraison de munitions
avec le gouvernement génocidaire. Les autorités françaises sont parfaitement au
courant, comme en attestent plusieurs docu­ments.

C’est encore Barril qui exhibe, en
juin 1994, la prétendue boîte du Falcon
50 abattu qui se révéle être un simple
coupleur d’antennes. Deux ans plus tard,
en 1996, c’est lui qui assure avoir récupéré
les deux tubes lance-missiles ayant servi
à l’attentat.

Barril a été aussi omniprésent
dans l’instruction Bruguière en l’orientant
à sa guise. A l’origine, c’est la famille Ha­by­arimana qui souhaitait, la première, se
constituer partie civile. Elle était défendue
par Me Hélène Clamagirand, avocate
de l’ancien attaché militaire rwandais à
Paris Sébastien Ntahobari et surtout de
Paul Barril. Or, cette demande avait été
rejetée par la justice française car Madame
Habyarimana n’était pas française. Barril
pousse donc, Sylvie Minaberry, médecin
militaire et fille du copilote du Falcon, à
déposer une plainte en 1997 alors que les
familles de l’équipage français en avaient
été dissuadées trois ans plus tôt par les
autorités françaises. Mme Minaberry
choisit pour conseil Me Clamagirand. Un
an plus tard, en mars 1998, l’ex-capitaine
de gendarmerie prétexte l’ouverture de
l’instruction Bruguière pour ne pas se
présenter devant les auditeurs de la mission
d’information parlementaire et réserver ses
déclarations à la justice.

Pendant l’instruction, Barril donne le ton
au cours d’auditions très conciliantes en
désignant formellement Paul Kagame
grâce à son infiltration des réseaux FPR en
Europe et en Afrique au début des années
90. Parmi les premières pièces versées à la
procédure, il y a une série de témoignages
qui sont, en fait, les témoignages de la
famille Habyarimana. Barril désigne deux
postes de tirs des missiles grâce à son
« enquête » appuyée sur 80 témoignages.
Le « consultant en sécurité » ne produit
pourtant jamais ces « preuves » et se
contredit à plusieurs reprises notamment
au sujet des tubes des lance-missiles que
finalement il n’aurait jamais vus.

Mais surtout, c’est lui qui présente à
Pierre Payebien, l’enquêteur principal de
Bruguière, le traducteur Fabien Singaye,
ex-barbouze rwandaise du régime Haby­
arimana. Barril n’a encore jamais été mis
face à ses contradictions et a « enfumé »,
selon le mot de la journaliste belge Colette
Braeckman, une instruction servant de leurre.
Après avoir mis au clair les circonstances
techniques et l’environnement de l’attentat,
l’étape suivante de l’instruction du juge
Trévidic est logiquement d’identifier les
auteurs et les commanditaires de l’attentat.

Immanquablement, Paul Barril reviendra
sur le devant de la scène judiciaire et devra
répondre à plusieurs questions capitales que
le juge Bruguière ne lui a jamais posées : où
était-il le 6 avril 1994 au soir ? Dans quel
contexte précis est-il allé récupérer de sa
propre initiative, comme il l’affirme, des
pièces à conviction qu’il aurait retrouvées
à l’aéroport ? Et a-t-il des compétences
particulières pour former à l’utilisation
d’engins aussi sophistiqués que les
missiles Sam-16 ?

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 210 - février 2012
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