Survie

Maroc, un pays en coupe réglée

rédigé le 1er juillet 2012 (mis en ligne le 11 juillet 2012) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

Deux ouvrages parus au
premier trimestre 2012 lèvent
une partie du voile sur la réalité
du pouvoir marocain.

Dans « Le Roi prédateur » (Le Seuil),
Catherine Graciet et Eric Laurent
dressent un portrait édifiant du
successeur de Hassan II. On y découvre (ou
pas) que le roi « s’est livré à une sorte de hold-up à l’encontre de l’économie de son pays ». Mohammed VI « est désormais le premier
banquier, assureur, exportateur, agriculteur
 »
du Maroc et « contrôle également le secteur de
l’agroalimentaire, de la grande distribution
et de l’énergie
 ».

Un roi qui apparaît depuis
2009 dans le classement des souverains les
plus riches, privilège qui n’échut jamais
à son père, pourtant plus ostensiblement
adepte du faste. Mais l’arrogante richesse de
Mohammed VI n’en demeure pas moins à des
années-lumières des réalités de son peuple,
lui qui ne paie (à l’instar de sa famille) aucun
impôt, pas même l’eau des immenses fermes
royales.

Au fil des chapitres s’accumulent les
exemples accablants d’accaparement de pans
entiers d’entreprises par le roi ou ses holdings
(notamment Siger). L’interpénétration du
public et du privé dans les hautes sphères du
pouvoir, décrite par Fernand Braudel, n’est
ici pas un vain concept.

« Paris-Marrakech »
(Calmann-Lévy) d’Ali Amar et Jean-Pierre
Tuquoi se focalise sur la capitale touristique
du Maroc. Le sous-titre est explicite : « Luxe,
pouvoir et réseaux
 ». L’on y constate un
défilé incessant de politiques, de patrons,
d’intellectuels et de journalistes français
dans les palaces luxueux de la ville comme
le Royal Mansour appartenant à la famille
royale, quand ils n’y ont pas déjà leur propre
pied-à-terre.

Cette cour avide de privilèges
le rend bien au royaume chérifien, formant
un impressionnant pool de lobbyistes. Parmi
le cortège des récipiendaires du Wissam
alaouite (l’équivalent de la Légion d’honneur)
notons la présence de Manuel Valls, de
Dov Zerah, patron de l’agence française de
développement, Brice Hortefeux, Christine
Lagarde, DSK et tant d’autres.

A l’heure où le régime poursuit sa répression
à l’encontre des militants (citons le rappeur
Mouad « L7a9ed » Belghouat
ou le
caricaturiste Khalid Gueddar parmi les plus
récents), « Paris-Marrakech » et « Le Roi
prédateur
 » sont deux rappels utiles sur la
nature prédatrice de la monarchie chérifienne.

Pour ce qui est
du lien entre le
royaume et la France, les deux livres adoptent
des points de vue diamétralement opposés.

En effet, Catherine Graciet et Eric Laurent
annoncent une perte d’influence significative
et spectaculaire de la France, et notamment de
ses entreprises, quand Ali Amar et Jean-Pierre
Tuquoi parlent d’une relation unique et plus
que privilégiée entre Rabat et Paris. Ali Amar,
journaliste marocain exilé, estimant même par
ailleurs que le Maroc est la « dernière colonie
française sur le continent [africain]
 ».

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 215 - juillet-août 2012
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