Survie

Lafarge au Cameroun : des poussières mais pas de miettes

rédigé le 2 octobre 2012 (mis en ligne le 3 décembre 2012) - Mathieu Lopes, Ruben Sutter

En juin 2011, dans un billet sur son blog de Politis, Thierry Brun pointait l’écart entre les pratiques sociales du cimentier français Lafarge et l’image idyllique dont jouit cette entreprise en matière de RSE (« responsabilité sociétale des entreprises »).

À la fermeture d’usines rentables en France et à l’implantation dans les paradis fiscaux de 12 % de ses filières [1], il faut en effet rajouter le cas de Cimencam au Cameroun comme démenti aux excellentes notations délivrées par les différentes agences spécialisées dans la délivrance de certificats de bonne moralité.

Créée au début des années 1960, Cimencam est détenue à 51 % par Lafarge. Elle exploite des carrières dans la localité de Bidzar, village de l’arrondissement de Figuil, dans le nord du Cameroun, afin d’alimenter la cimenterie d’où elle produit près de 160 000 tonnes de ciment gris. L’impact de cette activité est l’objet de critiques de plus en plus vives de la part des populations de la zone.

Les populations asphixiées par Cimencam

Depuis 2011, la Cellule de veille et protection des victimes des activités minières de l’arrondissement de Figuil, fédère les habitants pour défendre leurs droits. Dans une vidéo et diverses alertes relayées par la presse camerounaise, l’association dénonce notamment le taux élevé de maladies respiratoires constaté dans la population exposée aux poussières des carrières et aux fumées de l’usine.

L’exploitation entraîne également la destruction de terres agricoles et du couvert forestier dont les populations tiraient des ressources essentielles. D’après la Cellule, un projet d’extension de la cimenterie menacerait plus de 140 familles d’expulsion.

Pour Axel Mueller, de l’organisation allemande Misereor, le site de cette exploitation est aussi emblématique de l’enrichissement de multinationales occidentales dans des pays riches en ressources dont les habitants ne voient pas la couleur. En ce sens, au- delà de la dénonciation des impacts physiques de l’exploitation, la Cellule réclame à présent des comptes à l’État Camerounais.

Le 13 mars 2012, un courrier de la Cellule adressé aux différents ministres camerounais concernés posait des revendications très fermes sur la transparence fiscale et les retombées financières censées profiter aux populations.

En effet, le code minier camerounais stipule que 10 % des taxes à l’ex­ traction doivent bénéficier aux popu­ lations riveraines affectées par les projets extractifs. Appartenant au registre des « grandes entreprises », et avec près de 16 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires, Cimencam est censée verser directement au guichet du ministère de l’économie les taxes sur son exploitation. Constatant qu’aucune compensation pour les dégradations subies ne leur était versée depuis quarante ans, les populations appuyées par des organisations de plaidoyer local [2] ont décidé de se mobiliser pour faire respecter leurs droits.

16 milliards de francs CFA de chiffre d’affaire

Soit Cimencam verse ses taxes au guichet du ministère de l’économie mais ce dernier ne rétrocède pas la quote-part aux communes concernées, soit la société ne verse pas ce qu’elle devrait. Dans les deux cas, une réelle exigence de transparence dans les industries extractives permettrait aux populations de faire valoir ce droit. Un droit qui, s’il était appliqué, resterait symbolique au regard des dommages sociaux et environnementaux subis.

[1La présence des entreprises du CAC 40 dans les paradis fiscaux, Christian Chavagneux et Marie-Salomé Rinuy, Alternatives Économiques, 11 mars 2009

[2Notamment le Groupe de réflexion et d’action pour le développement rural. (GREDEVEL) www.gredevel.fr

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 217 - octobre 2012
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