Survie

MAM, un certain savoir-faire pour les menteries

rédigé le 4 décembre 2012 (mis en ligne le 4 février 2013) - Raphaël de Benito

Dans l’affaire du bombarbement de Bouaké en Côte d’Ivoire qui a coûté la vie à neuf soldats français, l’ancienne ministre de la Défense, Michèle Alliot- Marie (MAM), est visée par une plainte pour complicité d’assassinats. En cause, « ses mensonges délibérés ». Revue de détails.

« Je suis sereine », c’est tout ce qu’a bien voulu concéder Michèle Alliot-Marie alors que certaines des familles de militaires victimes du bombardement en 2004 du cantonnement français à Bouaké ont déposé plainte contre elle auprès de la Cour de justice de la République (CJR). Cette plainte intervient en parallèle de l’information judiciaire pour assassinat et tentative d’assassinats ouverte en 2005.

Rappelons que le 6 novembre 2004 deux avions de l’armée ivoirienne bombarbent sciemment un camp de l’armée française à Bouaké, tuant neuf militaires français, un civil américain et blessant trente-huit soldats. La mort des soldats français avait servi de justification à la destruction de l’aviation ivoirienne, alors que cette dernière était engagée depuis trois jours dans une opération militaire de reconquête du nord du pays.

Une défense toujours aussi raide

Michèle Alliot-Marie prétend toujours que les noms des mercenaires bié­lo­russes responsables des bombardements sur les soldats français n’étaient pas connus et qu’ils n’avaient pu être ni arrêtés ni interrogés faute de preuves pour fonder un mandat d’arrêt international. On sait pourtant, d’après les notes déclassifiées de la DGSE et le dossier d’instruction, que l’armée française avait suivi de A à Z, en vidéos et en photos, l’arrivée et l’installation de ces mercenaires et qu’elle disposait donc de ces informations avant même le début des opérations militaires.

Quant à l’absence de base juridique, c’est une aimable plaisanterie car les autorités françaises pouvaient s’appuyer sur la loi Pelchat qui réprime l’activité des mercenaires, le Code de justice militaire prévoyant que sont justiciables tous auteurs ou complices d’une infraction contre les forces armées françaises, et enfin le Code pénal, qui prévoit que la loi pénale française est applicable à tout crime commis par un étranger hors du territoire lorsque la victime est de nationalité française. Mais MAM n’était pas encore Garde des Sceaux...

MAM : Mensonges Après Mensonges

Le jour du bombarbement, quinze autres mercenaires avaient été interceptés, retenus quatre jours et auditionnés par les forces spéciales françaises, mais, toujours selon Alliot-Marie, cette audition n’avait pas porté « au fond » en l’absence de procédure judiciaire. On se demande bien alors de quoi ils ont bien pu parler...

Enfin, dix jours après les bom­bardements, huit Biélorusses étaient arrêtés au Togo, placés en garde à vue, tenus à la disposition de la France... et finalement relâchés sans autre forme de procès à la demande expresse de cette dernière ! Michèle Alliot-Marie avait affirmé que la France n’avait pas, à l’époque, d’informations suffisamment précises pour exiger du Togo qu’il garde prisonniers des mercenaires : « Les analyses et les recoupements, nous ne les avons eus qu’après, explique l’ancienne ministre de la Défense au juge chargé de l’enquête, et ils n’ont conduit qu’à des présomptions que des pilotes pouvaient peut-être se trouver dans ce groupe. » Pourtant, l’officier de la DGSE au Togo disposait des photocopies des passeports des deux pilotes remis par les autorités togolaises.

Au bout du compte, les mercenaires de l’Europe de l’Est se sont évanouis dans la nature et n’ont jamais été retrouvés. Dans le flot des énormités assénées avec un aplomb inouï par MAM, on retiendra également que c’était pour éviter une crise diplomatique avec la Biélorussie que la douzaine de mercenaires a été relâché.

Le mot de la fin revient à Brigitte Raynaud, juge chargée de l’affaire à l’ancien Tribunal aux armées de Paris (dissous en janvier dernier), qui, à son départ, l’avait écrit sans détours à Michèle Alliot-Marie, son ministre de tutelle d’alors :

« Je relève qu’à la fin de ma mission aucun renseignement ne m’a été fourni sur les raisons pour lesquelles les mercenaires et leurs complices, identifiés comme auteurs de ce crime, bien qu’arrêtés immédiatement ou dans les jours qui ont suivi les faits, avaient été libérés sur instruction ou avec le consentement des autorités françaises sans avoir été déférés à la justice. » (Slate Afrique, 27 novembre).

Me Jean Balan, l’avocat des familles de victimes, à l’origine de la plainte est encore plus frontal : Michèle Alliot-Marie a cherché à « saboter l’action de la justice afin d’éviter, à tout prix, que la vérité ne soit connue ».

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 219 - décembre 2012
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