Survie

Intox sur la légalité de Serval

rédigé le 9 février 2013 (mis en ligne le 12 février 2013) - Billets d’Afrique et d’ailleurs...

On aurait pu croire, dans les premiers jours de l’opération Serval,
que c’est en France, et non au Mali que l’état d’urgence avait
été décrété. La liberté de la presse a-t-elle été suspendue sans
qu’on en soit averti ? Il fallait en tout cas beaucoup d’efforts
pour faire la distinction entre la communication du pouvoir et
les commentaires journalistiques, qu’il s’agisse de la légalité,
de la légitimité, des motivations ou du prétendu consensus
international touchant à l’intervention française.

« Dans le cadre de l’ONU ! », ont affirmé à l’unisson tous les
chiens de garde, avant de se rendre compte un peu tard que
le gouvernement lui-même ne prétendait pas avoir agi dans
le cadre de la résolution 2085 qui n’autorisait qu’une « force
internationale sous conduite africaine
 » - la Misma, qui se faisait
attendre. De manière inédite, il mettait en avant l’article 51 de
la charte de l’ONU qui mentionne « le droit de légitime défense,
individuelle ou collective, dans le cas où un membre des
Nations unies est l’objet d’une agression armée
 ». Une première
qui légitimera par avance tous les conflits à venir s’il fait
jurisprudence.

Vu sa fragilité, l’argumentaire a été rapidement
remisé au profit d’une autre acrobatie rhétorique du ministère
des Affaires étrangères : si on a violé la résolution 2085, c’est
pour la rendre plus vite applicable... Mais on avait déjà vu, en
Libye ou en Côte d’Ivoire, comment les résolutions de l’ONU
sont interprétées de manière très élastique par la diplomatie
française. De toute façon, résumait le député UMP Patrick Ollier
(France culture, 14 janvier), « le problème n’est pas de savoir
s’il y a un accord de l’ONU, le problème est de savoir s’il y a
un accord de défense entre la France et le Mali. Oui, il y en a
un
 ». Une hallucination partagée entre autres par LeMonde.fr
(« Mali : l’opération « Serval » est-elle légale ? », 14 janvier), ou des
« experts » tels que Philippe Migaux (3D, France inter, 20 janvier).

Selon Vincent Jauvert, du Nouvel Observateur (18 janvier), ce
sont « les officiels français [qui] laissent courir cette rumeur ». Car
entre la France et le Mali, il n’existe qu’un accord de coopération
militaire datant de 1985, dont l’article 12 du chapitre 4 prévoit
par ailleurs : « Le présent accord de coopération exclut toute
possibilité de stationnement d’unités constituées des Forces
armées françaises sur le territoire malien
. »

Mais qu’importe,
puisque l’opération a été déclenchée à l’appel du président
malien, nous a-t-on alors seriné, oubliant le plus souvent
de préciser d’une part que Diocounda Traoré, président de
transition à la suite du coup d’Etat militaire, ne bénéficiait pas
de la légitimité d’un président démocratiquement élu, et d’autre
part que les préparatifs logistiques engagés de longue date
n’avaient pas attendu cet appel à l’aide...Mais qu’importent
les arguties juridiques. Hollande nous a prévenus : la France
est désormais engagée dans la « guerre contre le terrorisme »,
la même que celle par initiée par Georges W.Bush. Celle-ci
étant par principe vouée à se prolonger jusqu’à plus soif, l’union
sacrée a de beaux jours devant elle.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 221 - février 2013
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