Survie

Les Assises du Développement à la gloire des entreprises

rédigé le 5 mars 2013 (mis en ligne le 2 avril 2013) - Camille Faisans

En imposant l’ONG GRET
comme voix unique de la
société civile à l’occasion
de la clôture des Assises
du développement, Pascal
Canfin, ministre délégué
auprès du ministre des
Affaires étrangères,
chargé du Développement,
neutralise toute velléité
discordante dans ce qui
s’apparente à un exercice
de communication en
faveur du partenariat entre
les ONG et les entreprises.

L’épilogue de ces Assises avait été
écrit d’avance
. Le
GRET se présente comme une ONG
de développement et fait partie de
Coordination Sud (qui regroupe
six collectifs d’ONG et 140 ONG
françaises de solidarité internationale).

Mais sa désignation comme porte-parole a provoqué l’amertume – certes
discrète – des autres ONG : en effet le
GRET présente la particularité d’être
très favorable aux partenariats avec les
entreprises et manque pour le moins de
mordant vis-à-vis des autorités. Et pour
cause, ses financements proviennent
majoritairement de fonds publics
, y
compris ceux de l’Agence Française
de Développement (AFD), et de
contributions d’entreprises.

Le parcours de son président, Pierre
Jacquemot, est en soi édifiant sur
le mélange des genres. Après avoir
conseillé le président sénégalais
Abdou Diouf, après un passage dans
la coopération et l’action culturelle au
Burkina Faso et au Cameroun, il est
pressenti en 1998 pour prendre la tête
de l’AFD. Il occupera finalement le
poste de directeur du développement
au ministère délégué à la Coopération
et à la Francophonie. Il sera ensuite
ambassadeur de France au Kenya,
au Ghana et en RDC. Autant dire
qu’avec de telles « organisations non
gouvernementales
 »,
l’indépendance
et la liberté de ton risquent d’être bien
inoffensives.

Mais surtout, le GRET est aussi connu
pour sa proximité avec les entreprises.
Comme c’est affiché sur le site internet
de l’organisation, le GRET croit au rôle
que peuvent jouer les entreprises dans le
développement et agit notamment via
des « partenariat[s] avec les grandes
entreprises du Nord dans le cadre de leur
politique de RSE [Ndlr : Responsabilité
sociale des entreprises]
 », avec Veolia,
par exemple.

Cerise sur le gâteau, le
président compte parmi ses multiples
casquettes celle de chercheur à
l’Institut de relations internationales
et stratégiques (IRIS) mais surtout
celle de membre... du CIAN, le lobby
des entreprises françaises en Afrique
.

Au final, à la clôture des Assises
du Développement ce n’est pas le
président du GRET mais sa directrice,
Bénédicte Hermelin qui a pris la parole,
une première fois avec la casquette de
Coordination Sud, une seconde fois au
nom du GRET, lors de la projection
d’une vidéo où elle est montrée de
manière croisée avec un représentant
du groupe Danone pour vanter les
partenariats ONG-entreprises qui sont
loin de faire consensus.

Un message
qui a dû trouver un écho tout particulier
auprès du ministre pour qui le scandale
de l’aide liée, qui consiste à conditionner
une aide au passage de contrats avec
des entreprises françaises, pourrait être
contourné
en orientant l’aide sur des
secteurs où les entreprises françaises
sont de toute façon les principaux
acteurs.

Le précédent malgache

Les Assises du Développement dont est si fier Pascal Canfin ont
été pilotées par Jean-Baptiste Mattei, directeur général de la
Mondialisation qui dépend du ministère des Affaires étrangères
et son adjoint Jean-Marc Châtaigner. Ce dernier était jusqu’à
l’année dernière l’ambassadeur de France à Madagascar.

Arrivé au
lendemain du pustch d’Andry Rajoelina en 2009, Chataignier a été le
zélé défenseur de la politique française consistant à légitimer Andry
Rajoelina à la tête d’une Haute autorité de transition. Une « transition »
qui dure toujours. Alors que la diplomatie française le recevait avec les
honneurs en mars 2010 à Paris, les eurodéputés critiquaient vivement,
dans une résolution, son « régime illégal » et demandaient contre lui
des « sanctions individuelles et ciblées ». « Le régime illégal en place
continue de défier la communauté internationale
 » et « monopolise
les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire ainsi que les médias
 ». Les
élus dénonçaient « les violations généralisées des Droits humains, le
harcèlement et l’arrestation arbitraire de parlementaires, de religieux
et de membres de la société civile (...), l’intimidation de la presse,
les arrestations et tortures de civils et d’hommes politiques
 ». Alors
que l’on espère, sans en être sûr, la tenue d’une nouvelle élection en
juillet 2013, Madagascar est toujours plongée dans une crise politique
majeure avec des perspectives de sortie de crise peu réjouissante.

Depuis quatre ans, la misère, déjà si présente, a explosé, le pillage des
ressources et la corruption sont à des niveaux jamais atteints
. De quoi occuper un nombre considérable d’ONG de développement
réunies par les bonnes grâces de Jean-Marc Châtaigner à l’occasion
de ces Assises.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 222 - mars 2013
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