Survie

Mali : bienvenue dans un monde parallèle

rédigé le 3 avril 2013 (mis en ligne le 10 avril 2013) - Raphaël Granvaud

Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, vient de rendre public un rapport dans lequel il recommande la conversion de la Misma en mission de maintien de la paix des Nations unies.

Cette préconisation correspond à la demande de la France (et des Etats-Unis) pour qui elle présente de nombreux avantage : mettre à contribution les financements de l’ONU, donner un cadre un peu plus présentable à la présence de l’armée tchadienne, évacuer la CEDEAO derrière laquelle il n’est plus nécessaire de se dissimuler pour légitimer la présence de l’armée française, et enfin introduire une dimension politique officielle.

Sur ce dernier point, il s’agit de sécuriser le calendrier électoral accéléré, imposé au forceps dans un pays ni réunifié, ni pacifié, ni réconcilié ; le processus de « concertation national » promis ayant été abandonné au profit de la « feuille de route » imposée par la France et les bailleurs de fonds étrangers. On a vu en Côte d’Ivoire ce que sécuriser un processus électoral dont les conditions n’étaient pas réunies pouvait vouloir dire...

Un autre point commun avec ce pays concerne une demande atypique du rapport de Ban Ki-moon. Il est nécessaire selon lui de maintenir pour « un certain temps » une « force parallèle » pour « mener des opérations importantes de combat et de contre-terrorisme » que la force officielle de l’ONU ne serait pas à même de conduire (LeJdd.fr, 27 mars). Le cadre juridique et la composition de cette « force parallèle » ne sont pas autrement précisés, mais il est clair pour tout le monde qu’il s’agit d’une périphrase désignant les forces françaises.

Comme en Côte d’Ivoire, la France entend bien bénéficier de la couverture onusienne pour maintenir son armée dans le pays (ou à proximité immédiate), sous couvert de prêter assistance à la force de l’ONU, sans pour autant se plier aux contraintes qu’exigerait une participation officielle à cette force.

Fournir des casques bleus, c’est bon pour les pays pauvres. Quand on a des intérêts à défendre, on ne délègue pas le contrôle de ses soldats. Comme en Côte d’Ivoire, la France pourra agir comme bon lui semble en prétendant le faire au nom de l’ONU, sans avoir jamais à rendre de compte. On avait les polices parallèles, la diplomatie parallèle, voici donc l’armée parallèle, une nouvelle appellation prometteuse !

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 223 - avril 2013
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