Survie

Des commémorations négligées

rédigé le 4 mai 2013 (mis en ligne le 29 mai 2013) - Mathieu Lopes

Les dix-neuvièmes commémorations
du génocide des Tutsi étaient la pre­mière occasion pour le nouveau gou­
vernement socialiste de marquer son
positionnement sur le sujet. Et il l’a fait d’une manière toute particulière
puisqu’il a tout simplement ignoré les
différentes cérémonies organisées par les
représentants des rescapés en France [1].

Là où le gouvernement précédent
avait dépêché les ministres Rama
Yade ou Bernard Kouchner, Corinne
Brunon-Meunier, la sous-directrice
de l’Afrique orientale du ministère
des Affaires étrangères est la seule
représentante officielle du gouvernement
français qu’on ait pu recenser lors des
commémorations.

Celle-ci a prononcé un discours convenu
dans les locaux de l’Unesco à Paris, loin
de l’exposition symbolique forte des
autres événements commémoratifs. Il n’y
a pas été question une seule fois du rôle de
la France aux côtés des génocidaires, alors
qu’on se souvient de la brèche, unique à
ce jour, ouverte par Nicolas Sarkozy qui
avouait – seulement mais tout de même
– des « erreurs » de la France au Rwanda.
Relevant le procès prochain de Pascal
Simbikangwa aux assises, elle a affirmé
que « la France n’est pas un refuge
pour les personnes qui auraient commis
des crimes au Rwanda en 1994
 », que
« d’autres décisions doivent advenir » [2], et
a affirmé l’engagement du gouvernement
français dans la « lutte sans concession
contre les présumés génocidaires installés
sur le territoire français
 ».

Mais d’une part, ce tout premier procès,
pas encore tenu, est un bien maigre bilan
pour « une lutte sans concession » de la
France, au regard du nombre de procès
et de condamnations qui ont eu lieu dans
d’autres pays d’Europe ou d’ailleurs [3]. Et
d’autre part, surtout, cet unique discours
de cinq minutes ne compense pas le silence
et l’absence des autorités françaises, bien
évidemment remarqués par les rescapés
rwandais.

Au niveau de l’ONU, la commémoration
a été marquée par l’interruption du
récit d’une rescapée du génocide afin
de permettre à Ban Ki-Moon de quitter
la salle prématurément [4]. La ministre
rwandaise des Affaires étrangères y a
rappelé qu’en 1994, le gouvernement
génocidaire a scandaleusement siégé
au conseil de sécurité avec « ses alliés »
(la France, évidemment), sans que cela
n’émeuve aucunement l’assistance, dont
le représentant français, probablement trop
absorbé par une ébauche de résolution sur
le Mali qu’il avait fait circulé plus tôt.

[2A-t-elle fait référence à des décisions de
justice à venir ?

[3Le dernier numéro de la revue annuelle La
Nuit Rwandaise, daté du 7 avril 2013, propose un
recensement de ces affaires p.30 - Résumé des
condamnations et des procès en cours devant les
juridictions nationales (hors Rwanda).

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 224 - mai 2013
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